Dans le cadre de plusieurs décisions rendues le 13 octobre dernier, la Cour de cassation a précisé le régime et la définition du préjudice d’anxiété.

En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité. Le salarié doit justifier d’un préjudice d’anxiété personnellement subi.

On rappellera qu’aux termes d’un arrêt du 5 avril 2019, la Cour de cassation a décidé que l’indemnisation de ce préjudice pouvait être accordé à tout salarié ayant travaillé dans un établissement l’exposant à l’amiante, peu importe que l’établissement ne figure pas dans la liste ouvrant droit à la préretraite amiante. (Cass soc 5. 04. 2019 n°18-17.442)
Cette jurisprudence a été étendue à toute exposition à une substance pouvant engendrer un risque en termes de santé pour le salarié. (Cass soc 11. 09. 2019 n° 17-24.888)

Afin d’en déterminer les contours, la Cour de cassation exige que le salarié démontre la réalité des troubles psychologiques qu’il a subis. Ainsi, dans le cadre d’un recours commun engagé par des salariés, elle a cassé la décision de la cour d’appel ayant condamné l’employeur à les indemniser sur le seul fondement de la remise d’un document reconnaissant l’exposition à une substance nocive et dangereuse.

Selon la cour de cassation « Le salarié doit justifier d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’un tel risque. » et « Le préjudice d’anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque (…), est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave ».
Dès lors l’analyse des juges du fond, qui se sont déterminés par des motifs généraux, insuffisants à « à caractériser le préjudice d’anxiété personnellement subi résultant du risque élevé de développer une pathologie grave». (Cass soc 13.10.2021 n°20-16.585 et s.)

L’exposition en elle-même ne suffit pas, elle doit avoir engendré un trouble psychologique. C’est pourquoi, le même jour, dans deux autres décisions, la Cour a confirmé la décision des juges du fond ayant relevé que « les examens subis par le salarié (…) avaient mis en lumière une évolution négative de son état de santé (…) et qu’il justifiait d’une inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante avec le risque d’une pathologie grave pouvant être la cause de son décès (….)» qui avaient condamné l’employeur à indemniser les intéressés de leur préjudice d’anxiété . (Cass. soc. 13-2 10-2021 n° 20-16.617, n° 20-16.583).

Par ces arrêts, la Cour parfait le régime du préjudice d’anxiété dont les règles sont aujourd’hui clairement posées pour les plaideurs.

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  1. Le principe

La loi n°2021-689 du 31 mai 2021 a instauré le « pass sanitaire » et a autorisé le 1er ministre à prendre des mesures afin de lutter contre la propagation de l’épidémie jusqu’au 30 septembre 2021.

Ce pass est constitué d’un QR code certifiant : d’une vaccination complète, d’un examen de dépistage négatif ou d’un certificat de rétablissement au Covid 19.

La présentation peut se faire sous forme papier ou numérique, via l’application «tous anticovid ».

La loi n°2021-1040 du 5 août 2021 étend ces dispositions et prolonge l’état d’urgence jusqu’au 15 novembre 2021 et subordonne à la présentation d’un pass sanitaire l’accès aux établissements, services ou événements suivants :

  • les activités de loisirs (cinéma théâtre, concerts musée etc.),
  • les activités de restauration commerciale et de débit de boissons (sauf restauration collective),
  • les foires, séminaires et salons professionnels recueillant plus de 50 personnes,
  • les établissements de santé, sociaux et médicaux-sociaux, pour les accompagnants et ceux rendant visite aux personnes accueillis dans ces établissements, ainsi que pour celles venant y bénéficier de soins programmés,
  • les déplacements de longue distance par transports publics inter-régionaux (train, car et aéronefs),
  • l’accès aux grands magasins et centre commerciaux de plus de 20 000 m² lorsque les caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient.

Depuis le 9 aout 2021 le public de tous les établissements et services susvisés doit présenter ce pass.

A partir du 30 aout 2021, Le pass sanitaire sera exigé pour les salariés des établissements et services susvisés, lorsque leurs activités se déroulent aux heures d’ouverture au public.

Il ne sera pas requis en cas d’intervention ponctuelle (de type livraison), ou en cas d’urgence et durant les heures de fermeture au public.

Le masque est en principe facultatif dans ces espaces soumis au pass.

Au regard du caractère aérosol du virus, nous conseillons néanmoins autant que faire se peut de maintenir le port du masque dans tout lieu clos et de faire de la pédagogie auprès des salariés sur ce point.

  1. Salariés des établissements soumis au pass

Tous les salariés, quel que soit leur statut, ainsi que les bénévoles, dont l’employeur est soumis à cette obligation ne pourront continuer à exercer leurs activités qu’en présentant ce pass à ce dernier.

 S’agissant des salariés intérimaires, c’est l’entreprise utilisatrice qui est responsable de son contrôle au même titre que pour ses salariés permanents.

  • Mise en œuvre du pass en entreprise

L’employeur, responsable du contrôle du pass sanitaire, doit :

-vérifier que tous ses salariés disposent dudit pass et peuvent accéder quotidiennement aux locaux professionnels,

-habiliter les personnes chargées du contrôle des justificatifs pour son compte,

-tenir un registre de ces personnes habilitées avec la date et la durée de leur habilitation, ainsi que les jours et horaires de contrôles,

-fournir aux salariés chargés du contrôle un dispositif de lecture du pass et éviter qu’ils n’aient à utiliser leur téléphone portable (ce qui requiert par ailleurs leur accord),

-les former à exercer ce contrôle,

-s’assurer de leur sécurité notamment contre les risques d’agression ou de contamination.

  • Confidentialité

Le document présenté à l’employeur ne doit donner aucune indication sur la nature des faits ayant permis l’accès au pass.

L’employeur n’est pas plus autorisé à demander la raison pour laquelle le salarié bénéficie du pass, ni à en conserver les données.

En revanche, les salariés sont autorisés à présenter volontairement un justificatif de statut vaccinal complet et dans ce cas l’employeur peut « conserver le résultat de la vérification opérée » et « délivrer, le cas échéant, un titre spécifique permettant une vérification simplifiée. »

Lors d’un entretien d’embauche l’employeur ne peut pas demander au salarié de présenter son pass sanitaire. Ce n’est que lors de l’entrée en fonctions qu’il peut l’exiger.

Au cours du processus de recrutement, l’employeur devra se ménager la preuve qu’il a informé le futur salarié de la nécessité de présenter un tel pass sanitaire lors de son entrée en fonction.

  • Consultation du CSE

Les employeurs de plus de 50 salariés doivent consulter leur CSE car la mise en œuvre du pass sanitaire intéresse « la marche générale de l’entreprise ».

Le gouvernement a autorisé les employeurs à mettre en œuvre le pass dès le lendemain de la promulgation après avoir informé le CSE de cette mise en œuvre.

Cette information déclenche le délai d’un mois pour convoquer le CSE et réaliser la consultation.

  • Sanction de l’absence de pass

Lorsqu’un salarié ne présente pas de pass sanitaire, il ne peut plus travailler :

-soit il choisit de prendre des jours de congés ou de RTT en accord avec son employeur (qui peut refuser cette solution, mais nous conseillons de l’accepter en cas de risque de contentieux futur) ;

-soit il se voit notifier le jour même la suspension non rémunérée de son contrat de travail.

Cette suspension est notifiée par lettre en double original contresignée, ou par courriel avec AR de lecture.

Si la suspension dure plus de 3 jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien pour examiner sa situation et les moyens de la régulariser.

Il est conseillé :

-d’envoyer la convocation au plus vite, par courriel (avec notification d’AR de lecture) et de s’assurer qu’elle a une date certaine,

-d’organiser l’entretien dans un lieu non soumis au pass ou par visioconférence,

-de se ménager la preuve du contenu de cet entretien et d’envoyer un compte rendu au salarié,

-d’essayer de repositionner sur un emploi ne nécessitant pas le pass ou de lui proposer si cela est possible de télétravailler. Ce repositionnement est une faculté et non une obligation mais une recherche loyale et efficace sera un plus en cas de litige entre les parties.

Il n’est pas possible de de licencier le salarié, et la seule hypothèse est donc une prolongation de la suspension du contrat sans rémunération, jusqu’à régularisation de sa situation par le salarié.

En cas de blocage persistant et de mauvaise foi, l’employeur pourra éventuellement utiliser le droit disciplinaire.

Cas particuliers :

-les salariés en CDD : pas de report de l’échéance du contrat qui prend fin à la date prévue, même en étant suspendus ;

-apprentis ou alternants : la suspension se limite au temps passé en entreprise, le salarié pouvant continuer à bénéficier de sa formation ;

-les représentants du personnel continuent à exercer leur mandat dans les conditions habituelles et peuvent à ce titre accéder aux locaux ;

-salariés qui interviennent dans plusieurs lieux qui ne sont pas tous soumis à l’obligation du pass : la suspension ne vaudra que pour les missions pour lesquelles ces justificatifs sont exigés ;

-salariés en activité partielle pour une partie de sa durée du travail : ils doivent présenter le pass sanitaire si leurs fonctions le requièrent lorsqu’ils travaillent.

  1. Salariés d’entreprises non soumises au pass devant le présenter à des tiers

Tout salarié peut être amené à devoir justifier du pass dans le cadre de ses fonctions exercées chez un client ou un tiers, ou lors d’un déplacement professionnel dans le cadre de l’utilisation des transports publics longue distance.

Le contrôle du pas est du ressort de l’établissement ou de l’organisateur de l’événement soumis à cette obligation et au sein duquel se rend le salarié,  dont l’employeur n’est pas soumis au pass.

L’employeur du salarié ne pourra pas exiger la présentation du pass : seul le service de transports et ou le tiers dans locaux duquel se rend le salarié peut en demander la présentation.

Conseils :

  • en amont alerter les salariés de la nécessité de présenter un pass lors de son intervention chez un client ou pour s’y rendre car il devra emprunter les transports publics. Et indiquer que leur déplacement fait partie de leurs obligations professionnelles.
  • demander aux salariés d’informer immédiatement leur hiérarchie, si leur mission ou déplacement ne peut être exécuté pour défaut de pass.

En cas de blocage récurrent, il appartiendra à l’employeur tirer toutes les conséquences d’une éventuelle non-exécution de ses missions par le salarié.

 

  1. RGPD

L’employeur peut conserver de manière sécurisée les résultats du contrôle du pass sanitaire jusqu’au 15 novembre 2021.

Seule l’information sur la détention d’un pass sanitaire est autorisée, il n’est pas possible de conserver la copie du document ou du QR code.

La CNIL a alerté le gouvernement sur les risques en matière de fichage et le ministère du travail préconise :

‐ soit de conserver le résultat avec un accès restreint aux seules personnes habilitées ;

‐ soit un titre spécifique délivré en une seule fois, sans conservation du pass en lui-même.

Ces informations sont des données à caractère personnel soumises au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

Sur la mise en conformité du traitement avec le RGPD : https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-rend-son-avis-sur-les-evolutions-apportees-par-la-loi-relative-la-gestion-de-la-crise

Fragilisée par la crise sanitaire, la société TUI a mis en œuvre un PSE comprenant la suppression d’un grand nombre d’emplois et la cession de ses agences de distribution. Faute d’accord, elle a élaboré un document unilatéral, soumis à homologation de la DREETS qui n’a rien trouvé à redire.

TUI a appliqué les critères d’ordre des licenciements au niveau de ses agences, afin de départager les salariés repris ou non par l’acquéreur, ce qu’a contesté le CSE devant la juridiction administrative.

L’employeur s’était fondé sur les derniers alinéas de l’article L. 1233-5 du code du travail qui prévoient : « Le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif.
En l’absence d’un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emplois. ».

La Cour a donné raison au CSE et a annulé le PSE car : « Il résulte des dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail qu’un document unilatéral fixant un plan de sauvegarde de l’emploi ne peut prévoir la mise en œuvre, pour chaque catégorie professionnelle, des critères déterminant l’ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui des zones d’emploi dans lesquelles sont situés les établissements concernés par les suppressions d’emploi dans les catégories en cause. ». (CAA Versailles 6 juillet 2021 n°21VE01406)

En outre, la Cour a relevé que les dispositions applicables « impliquent nécessairement que les transferts de contrats de travail n’interviennent qu’après détermination du nombre d’emplois supprimés à la suite des licenciements. ».

Rappelons que les critères d’ordres des licenciements sont à mettre en œuvre par catégories professionnelles et ce, en principe, au personnel de l’entreprise pris dans son ensemble, sans distinguer entre ses établissements.

S’il est possible de réduire par accord ce périmètre, en l’absence d’accord il convient de se référer à l’article D. 1233-2 du code du travail qui énonce que ces zones d’emploi : «sont celles référencées dans l’atlas des zones d’emploi établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques du ministre chargé de l’emploi ».

Il n’est pas possible d’y déroger et l’administration doit vérifier l’application que fait l’entreprise de cet article dans son document unilatéral.

La plus grande prudence est de mise et il faut s’en tenir à la lettre du texte.

Une salariée protégée a été déclarée inapte à son poste d’auxiliaire de vie mais apte à un poste sédentaire n’imposant pas de déplacement professionnel, pour une activité de type administratif ou d’accueil. Interrogé par l’employeur, le médecin du travail indiqué que la recherche de reclassement devait s’effectuer dans la commune de Colmar.

L’employeur n’ayant pas d’emploi disponible à Colmar, il demande et obtient l’autorisation de prononcer le licenciement pour inaptitude.

La salariée conteste l’autorisation de licenciement et la Cour administrative de Nancy lui donne raison au motif que : « S’il est vrai que l’employeur est tenu de suivre les préconisations du médecin du travail, la circonstance que ce dernier a fixé le périmètre de la recherche de reclassement au territoire de Colmar ne dispensait pas l’employeur (…) de poursuivre la recherche de reclassement, au besoin dans les autres départements où ses antennes sont implantées (…) ». (CAA Nancy 26 juin 2019 n°17NC01694)

Sur pourvoi de l’employeur, le 16 avril 2021 Conseil d’Etat annule la décision de la Cour d’appel aux motifs que :

« lorsqu’après son constat d’inaptitude, le médecin du travail apporte des précisions quant aux possibilités de reclassement du salarié, ses préconisations peuvent, s’il y a lieu, être prises en compte pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de reclassement de l’employeur.

Dès lors, en jugeant que l’association (…) ne pouvait, en vue de justifier du caractère sérieux de sa recherche de reclassement de Mme A…, se prévaloir, notamment, des échanges qu’elle avait eus, après le constat d’inaptitude, avec le médecin de travail sur les possibilités de reclassement de cette salariée, sans pour autant retenir qu’il n’y avait pas lieu, en l’espèce, de tenir compte de ces préconisations, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ». (Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 16/04/2021, 433905)

Le Conseil d’Etat fait grief à la Cour d’avoir écarté les préconisations du médecin du travail, sans expliquer pourquoi il n’y avait pas lieu d’en tenir compte.

Implicitement la Haute Juridiction incite les employeurs à solliciter le médecin du travail de la manière la plus complète possible, pour qu’il précise ses préconisations quant aux différentes modalités du reclassement.

Lorsqu’elles sont respectées, l’obligation de reclassement est « pratiquement » respectée. Toutefois, l’incise « s’il y a lieu » laisse à penser que ce strict respect peut s’avérer parfois insuffisant.

Il est donc conseillé aux employeurs de toujours interroger le médecin du travail sur son avis d’inaptitude mais aussi, en fonction des circonstances de l’espèce, d’aller au-delà de ses préconisations.

Une salariée est convoquée à un entretien préalable le 24 septembre 2012 en vue d’un licenciement pour motif économique ; elle est transférée dans le cadre d’une fusion absorption au sein d’une autre société le 1er octobre 2012, laquelle poursuit la procédure et la licencie le 18 octobre 2012.

Or, le 28 novembre cette société absorbante arrête les modalités d’un PSE.

La salariée réclame à l’employeur des dommages et intérêts car elle n’a pas pu bénéficier des dispositions du PSE, ce que les juges d’appel lui refusent au motif qu’à la date d’engagement de la procédure individuelle, comme à la date de notification de la rupture, le PSE n’avait pas été arrêté, ajourant qu’elle avait refusé le CSP.

A tort, selon la Haute Cour, car le transfert du contrat de travail est intervenu alors que le PSE était en voie d’élaboration dans l’entreprise absorbante. Dès lors, la salariée était concernée et avait perdu le droit à une indemnité supra légale versée dans le cadre de ce PSE.

(Cass. soc., 14 avril 2021, nº 19-19.050)

Une salariée s’est présentée voilée à son retour de congé maternité, la société lui a demandé de retirer ce foulard et, devant son refus, l’a licenciée. La salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en nullité de son licenciement pour discrimination et la Cour d’appel a fait droit à sa demande.

Sur pourvoi de l’employeur, la Haute Cour confirme la décision d’appel au motif que « les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché ».

Elle se fonde sur la jurisprudence européenne (CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15, Micropole Univers) et la notion d’«exigence professionnelle essentielle et déterminante », au sens de l’article 4 § 1 de la directive 2000/78, qui doit être objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Des considérations subjectives, comme le souhait des clients dans un commerce d’habillement, ne sont pas suffisantes.

De manière générale, instaurer une règle relative au port de signe religieux exige qu’elle soit:

  • mentionnée dans le règlement intérieur ;
  • applicable à tous les salariés sans distinction ;
  • justifiée par la nature de la tâche à accomplir ou par d’autres droits ou libertés fondamentales.

(Arrêt n°479 du 14 avril 2021 n°19-24.079)

Alors qu’on le croyait quelque peu éteint, le débat judiciaire portant sur le barème d’indemnisation dit « barème Macron » (art. L.1235-3 du code du travail), connait un nouveau rebondissement avec une décision de la Cour d’Appel de Paris du 16 mars 2021 qui en écarte l’application après avoir procédé à une appréciation in concreto en ces termes :

« Eu égard à cette ancienneté et à la taille de l’entreprise, l’article L. 1235-3 du code du travail fixe l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme comprise entre 3 et 4 mois de salaire, soit sur la base d’un salaire moyen de 4.403,75 euros bruts, une indemnité oscillant entre 13.211,25 et 17.615 euros.

Cette somme représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement.

Compte tenu de la situation concrète et particulière de Mme Y, âgée de 53 ans à la date de la rupture et de 56 ans à ce jour, le montant prévu par l’article L. 1235-3 ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subicompatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

En conséquence, il y a lieu d’écarter l’application du barème résultant de l’article L. 1235-3 du code du travail. » (Cour d’appel de Paris Pôle 6, ch. 11, n°19/08721)

On se souvient que dans un arrêt du 30 octobre 2019, la même Cour, mais dans une autre composition, s’était positionnée dans un tout autre sens, celui des avis de la cour de cassation, et avait écarté ce même article 10 de la convention 158 de l’OIT invoqué par l’appelant :

« La mise en place d’un barème n’est pas en soi contraire aux textes visés par l’appelant et les syndicats intervenants volontaires, imposant aux Etats, en cas de licenciement injustifié, de garantir au salarié « une indemnité adéquate ou une réparation appropriée », le juge français dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise, gardant une marge d’appréciation (…). » (CA Paris, pôle 6, ch. 8, 30 octobre 2019, n° 16/05602)

Cette décision, dans le droit fil de l’avis de la Cour de cassation du 17 juillet 2019, semblait fermer la voie à toute appréciation concrète. (Cass. formation plénière, avis n° R19-7010)

La Cour d’appel de Reims, en revanche, avait déjà admis dans un arrêt du 25 septembre 2019 que la conventionalité de principe (in abstracto) du barème qu’elle ne contestait pas ouvrait néanmoins la voie à une analyse in concreto et qu’elle ne (…) dispense pas, en présence d’un dispositif jugé conventionnel, d’apprécier s’il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits de salarié concerné, c’est-à-dire en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché« . (CA Reims, ch. sociale 25 septembre 2019 RG n° 19/00003)

La Cour d’appel de Paris a donc, à n’en pas douter, remis un jeton dans la machine, (r)ouvrant la voie à un contentieux abondant….

Le barème Macron , une histoire sans fin …

Une salariée avait été l’objet d’une enquête pour harcèlement moral à la suite de laquelle elle a été licenciée pour faute grave, l’enquête ayant révélé qu’elle avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire.

Elle a contesté son licenciement car elle n’avait pas été informée du déclenchement de l’enquête ni entendue durant celle-ci, elle estimait qu’il s’agissait d’une surveillance clandestine et donc d’un moyen de preuve illicite, violant les articles  L. 1222-1 et suivant du code du travail, sur la loyauté dans l’administration de la preuve.

Aux termes d’un arrêt du 17 mars 2021 (n°18-25.597) la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé la décision d’appel ayant fait droit à cette argumentation, au motif que :

«6. Pour écarter le compte-rendu de l’enquête confiée par l’employeur à un organisme extérieur sur les faits reprochés à la salariée, la cour d’appel a retenu que celle-ci n’avait ni été informée de la mise en œuvre de cette enquête ni entendue dans le cadre de celle-ci, de sorte que le moyen de preuve invoqué se heurtait à l’obligation de loyauté et était illicite.

7. En statuant ainsi, alors qu’une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié, la cour d’appel a violé par fausse application le texte et le principe susvisés. ».

Nous pensons néanmoins qu’il convient de ne pas obvier au caractère contradictoire de l’enquête et entendre le salarié mis en cause.

Le pourvoi portait sur la décision de la Cour d’appel qui s’était spécifiquement validé l’enquête sur le fondement de la loyauté de la preuve, et la Cour de cassation n’a pas été saisie de la question du contradictoire, de sorte que la vigilance s’impose.

 

La Cour de cassation continue à parachever sa jurisprudence relative aux conventions de forfait en jours, fidèle à sa conception selon laquelle elles sont, par essence, nocives pour la santé des salariés et porteuses de RPS.

Aux termes d’une décision du 17 février 2021, la Cour précise « qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destiné à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours ». (Cass. soc., 17 févr. 2021, n° 19-15.215)

Ayant relevé que la convention collective applicable prévoyait que tous les salariés devaient bénéficier d’un entretien annuel portant sur la charge de travail, l’organisation du travail et son articulation avec la vie personnelle, elle a déduit de l’absence de tout entretien « un manquement de l’employeur à ses obligations légales et conventionnelles pour s’assurer de façon effective et concrète, du temps de travail effectué par le salarié et que la convention de forfait en jours était privée d’effet ».

Cet entretien annuel est un outil de prévention en termes de santé et de risques psychosociaux mais également un moyen de démontrer la réalité du suivi de l’activité du salarié et l’absence de surcharge de travail.