Un salarié se prévalait du statut de lanceur d’alerte après son licenciement pour faute grave et a saisi en référé le juge pour le voir juger nul.

Ce salarié était employé d’une société de conseil qui l’avait positionné sur une mission au sein d’une entreprise industrielle. Au cours de sa mission, il avait adressé un courriel à divers syndicats de cette entreprise, ou à leurs représentants, pour les encourager à poursuivre une manifestation contre la loi travail en mars 2016.

Dans le cadre d’un entretien informel, son employeur lui a indiqué avoir été été averti de ce courriel et lui a notifié un avertissement.

Le salarié a enregistré les propos de son employeur durant cet entretien et l’a communiqué à des tiers, qui l’ont diffusé sur la plateforme internet « youtube ».

L’employeur l’a alors licencié pour faute grave pour avoir procédé à cet enregistrement, pour manquement à ses obligations de loyauté et de bonne foi.

Les juges du fond ont donné raison à l’employeur et le salarié s’est pourvu en cassation.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel au motif que tout salarié « même s’il n’est investi d’aucun mandat doit bénéficier de la protection accordée à l’exercice de toute activité syndicale. ».

Selon les hauts magistrats, le salarié avait été sanctionné pour avoir échangé des messages avec les organisations syndicales de l’entreprise où il exerçait sa mission de consultant et a été licencié pour avoir diffusé les propos de son employeur lui reprochant ces échanges. Il avait donc été licencié pour avoir relaté des agissements portant atteinte au libre exercice d’une activité syndicale.

Dès lors, le délit de discrimination syndicale est constitué, ce qu’auraient dû relever les juges du fond.

(Cass civ, 20 déc. 2023 n°22-15.297)

Un salarié en qualité de « directeur achat maison », membre du Codir a été désigné en qualité de représentant de la section syndicale CFTC commerce.

L’entreprise a contesté cette désignation, estimant qu’il bénéficiait d’une subdélégation de pouvoir et qu’en sa qualité de membre du Codir, il ne pouvait pas détenir un tel mandat, puisqu’il représentait l’employeur.

Le juge du fond ayant rejeté la demande de l’employeur, celui-ci a intenté un pourvoi.

La Cour de cassation a confirmé la décision des juges du fond, en rappelant que ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui :

soit disposent d’une délégation écrite d’autorité, leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ;

soit représentent effectivement employeur devant les institutions représentatives du personnel, ou exercent les obligations relevant exclusivement du chef d’entreprise.

Or elle note qu’en l’espèce, les deux subdélégations de pouvoir n’étaient pas signées et que rien ne démontrait que le salarié en ait eu connaissance. En outre, il n’était pas décisionnaire, que ce soit en termes de recrutement, de promotions, augmentations ou de licenciements. S’agissant du département sous sa responsabilité, il n’avait pas la possibilité de décider en autonomie d’un changement d’organisation et il ne détenait aucun pouvoir disciplinaire.

Sa capacité de représenter la société auprès des partenaires commerciaux était insuffisante et n’avait pas d’incidence sur celle de représenter l’employeur auprès des salariés.

Il pouvait donc parfaitement être désigné en qualité de représentant de section syndicale.

(Cass. soc. 20 décembre 2023, n°22-2.938)

Le 22 décembre 2023, l’Assemblée plénière a rendu deux décisions sur la preuve « déloyale » opérant un revirement attendu sur la recevabilité d’une telle preuve.

Dans la 1ère affaire, l’employeur avait enregistré le salarié, à son insu, lors d’un entretien informel et avait utilisé cet enregistrement pour fonder le licenciement pour faute du salarié.

Dans la 2nde affaire, un salarié avait était licencié en raison des propos à caractère homophobe qu’il avait publiés sur son compte Facebook personnel, propos qui avaient été transmis à l’employeur par un intérimaire. Ce dernier avait pu se connecter sur la session Facebook du salarié qui n’avait pas fermé la page d’accès à son compte.

Les premiers juges avaient considéré que ces preuves étaient déloyalement obtenues et donc irrecevables.

Dans la 1ère espèce, l’Assemblée plénière a censuré la Cour d’appel au motif suivant :  « Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. ».

Cette décision trouve sa source dans la jurisprudence de la CEDH qui instaure un véritable droit à la preuve, sur le fondement de l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH, 10 oct. 2006, L.L. c/ FRANCE, n°7508/02).

Le communiqué de la Cour de cassation souligne qu’il importe « de ne pas priver un justiciable de la possibilité de faire la preuve de ses droits, lorsque la seule preuve disponible pour lui suppose, pour son obtention, une atteinte aux droits de la partie adverse. »

Il y a fort à craindre que cette décision signe la fin du « off » et ne permette plus d’explication franche entre employeurs et salariés. Dorénavant tous les entretiens importants risquent d’être entachés d’une grande méfiance.

Dans la 2nde affaire, en revanche, l’Assemblée plénière a estimé que les juges du Fonds n’avaient pas à s’interroger sur la valeur de la preuve provenant de la messagerie privée Facebook.

En effet, elle rappelle qu’il n’est pas possible de licencier pour faute un salarié pour un motif qui relève de sa vie personnelle, sauf si ce motif constitue un manquement à ses obligations professionnelles.

Or cette conversation privée n’avait pas vocation à être rendue publique et ne pouvait constituer un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail.

(Cass. Ass. Plén. 22 décembre 2023, n°21-11.330 et n°20-20.648)

Dans une série d’arrêts rendus le 13 septembre 2023, sur le fondement de la directive n°2003/8/CE du 4 novembre 2003 et de la charte des droits fondamentaux, la Cour de cassation a jugé que tout salarié en arrêt de travail (qu’il soit professionnel ou non) doit bénéficier de congés payés de la même manière que s’il travaillait. (Cass. soc. 13 septembre 2023, 22-17.340 à 22-17.342, n°22-17.638, n°22-10.529)

Toute période d’arrêt de travail doit être prise en compte pour le calcul des droits à congés payés et s’agissant des arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle, le plafond d’un an fixé par l’article L 3141-5, 5°du Code du travail est écarté.

1.Quels contours au droit d’acquisition ?

Sont accordés :

  • 5 semaines de congés payés (même si le droit de l’union ne prévoit que 4 semaines) ;
  • tout congé complémentaire prévu aux termes de la convention collective ou par accord ou usages d’entreprise (notamment en matière de jours liés à l’ancienneté) à condition qu’ils soient de la même nature que le congé payé annuel.

Sont exclus :

  • les jours de fractionnement ;
  • les congés de toute autre nature.

Cette jurisprudence concerne :

  • tous les salariés de l’entreprise, quelle que soit la nature de leur contrat ;
  • tous les arrêts maladie, y compris ceux ne donnant pas droit à indemnité journalière de sécurité sociale ainsi que ceux pris en charge par la prévoyance.

Ces règles s’appliquent à compter du prononcé des arrêts, avec effet immédiat et de manière rétroactive.

2. Quelle prescription ?

En principe la prescription est de 3 ans.

Mais la Cour de cassation a fixé le point de départ de cette prescription au moment où l’employeur a  mis en mesure le salarié de prendre ses congés payés, c’est-à-dire a effectué les « diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer son droit à congés».

 Ce dont il doit pouvoir justifier.

En pratique, cela revient donc à ne fixer aucune limite temporelle à la réclamation du salarié.

Il est donc conseillé de mettre en mesure les salariés de retour d’arrêt maladie ou en arrêt de prendre leurs congés payés en les informant de leurs droits et en leur rappelant la période de prise des congés.

 3. Régulariser tout de suite ou attendre ?

Quelle attitude choisir entre une régularisation immédiate des salariés en cours d’arrêt maladie, et ceux sortis récemment. Doit-on attendre la saisine du Conseil de prud’hommes ?

Selon nous, il convient de s’attacher d’abord aux salariés dans les effectifs  et de :

  • procéder à un audit, en provisionner les montants en jeu ;
  • programmer le logiciel de paie pour comptabiliser ces congés ;
  • régulariser la situation des salariés en cours ou de retour d’arrêt maladie.

Pour les salariés sortis des effectifs, il sera toujours temps de régulariser au fur et à mesure des réclamations formulées par les salariés.

Concernant les contentieux en cours, autant prendre les devants et payer l’indemnité correspondant aux congés acquis.

Il est conseillé d’engager des négociations pour définir avec les partenaires sociaux de nouvelles règles encadrant ce revirement de jurisprudence, et notamment les modalités de prise des congés et les limites qui pourraient être imposées à cette acquisition, au-delà des lesquelles le droit le droit au congé annuel s’éteindrait (par exemple 15 mois).

Toutefois, ces dispositions ne s’appliqueront que pour l’avenir.

 

  • Evaluation du salarié : le recours au client mystère validé

L’employeur peut recourir à un client-mystère pour apprécier la manière dont le salarié exécute ses missions  et le sanctionner le cas échéant, dès lors qu’il a :

–  présenté ce dispositif d’investigation au CSE en lui précisant les modalités et le nombre de passages prévus ;

–  informé le salarié via une note expliquant le fonctionnement et l’objectif de ce dispositif.

En l’espèce, ces préalables avaient été respectés et les constats du client mystère étaient démontrés par la production d’une la fiche d’intervention, de sorte que le licenciement a été jugé bien fondé. (Cass. soc., 6 septembre 2023 n°22-13.783)

  • Conditions de validité de la géolocalisation 

La Haute Cour rappelle que les salariés concernés par un tel dispositif doivent être informés, préalablement à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel, de : 1. l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, 2. la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, 3. des destinataires ou catégories de destinataires de données, 4. l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, 5. d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, 6. des modalités d’exercice de ces droits.

Dans ces conditions, elle a considéré que les premiers juges ne pouvaient uniquement se fonder sur les relevés de géolocalisation du véhicule, dispositif  déclaré à la CNIL, dans le but d’assurer la sécurité des biens et des personnes sur les sites,  dont le salarié avait été informé par courrier RAR.

Ils auraient dû vérifier si le dispositif avait également pour finalité le contrôle de l’activité professionnelle des salariés, ainsi que la durée du travail et si le salarié avait été informé de l’utilisation de ce dispositif à cette fin, ce qui implique notamment qu’il ait été informé de ses droits au regard des dispositions du RGPD. (Cass. soc., 6 septembre 2023 n°22-12.418

  • Non-respect des durées maximales quotidiennes de travail 

Un salarié d’une entreprise de transports réclamait à son employeur une indemnité pour non-respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail.

La Cour d’appel l’a débouté de sa demande au motif que l’amplitude horaire avancée ne correspondait pas au travail effectif, qu’il disposait de temps de repos et qu’enfin, il ne justifiait pas d’un préjudice distinct de celui réparé au titre du repos compensateur.

La Cour de cassation casse cette décision en considérant qu’à lui seul, le dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation, sans qu’il soit besoin de justifier d’un préjudice distinct. (Cass. soc., 27 septembre 2023 n°21-24.782)

  • Mi-temps thérapeutique  et prime d’intéressement : ne pas faire de péréquation

Un employeur reproche à une Cour d’appel de l’avoir condamné à payer à une salariée des sommes à  titre de rappel de prime d’intéressement comme si elle travaillait à plein temps, alors qu’elle se trouvait en mi-temps thérapeutique et que l’accord – qui faisait référence aux seules heures de travail effectif (ou assimilé) – ne mentionnaient pas comme telles les heures non travaillées dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.

A tort selon la Cour de cassation, qui valide le raisonnement de la Cour d’appel et considère que la période de mi-temps thérapeutique doit être assimilée à une période de présence à 100 % dans l’entreprise, de sorte que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’assiette de la participation  est celui perçu avant le mi-temps thérapeutique et l’arrêt de travail l’ayant précédé. Agir autrement revient à se rendre coupable de discrimination à raison de la santé.

(Cass. soc., 20 septembre 2023 n°23-12.293)

  • Requalification du CDD en CDI : point de départ du délai de prescription

En l’absence de contrat écrit, le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court à compter de l’expiration du délai de 2 jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié un contrat de travail écrit.

(Cass. soc., 27 septembre 2023 n°21-18.763)

Dans une décision du 23 mai 2023 (TJ Paris n°21/08088) le Tribunal judiciaire de Paris considère que l’employeur doit prendre en charge les frais professionnels liés au télétravail.

La décision se fonde sur l’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020 relatif au télétravail, qui ne remet pas en cause l’accord du 19 juillet 2005 contenant des dispositions exigeant le remboursement des frais relatifs au télétravail.

Et ce, quelles qu’en soient les circonstances à savoir : les circonstances exceptionnelles telles que le COVID ou le quotidien classique des salariés.

L’ANI du 26 novembre 2020 stipule en effet « Le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail. « .

Cet ANI a fait l’objet d’une extension le 2 avril 2021 ce qui le rend obligatoire.

C’est pourquoi le juge a estimé que :

  • « La prise en charge des frais exposés dans le cadre du télétravail – y compris en cas de circonstances exceptionnelles comparables à la crise sanitaire – est obligatoire pour l’employeur. « 
  • « un salarié en télétravail bénéficie d’un droit à l’indemnisation de l’occupation de son domicile personnel à des fins professionnelles, et ce, quels que soit les motifs pour lesquels il a été placé en télétravail. »

Le Tribunal estime, enfin, qu’une prise en charge forfaitaire ne nécessite aucune clause contractuelle spécifique, ni l’aménagement d’un accord existant et peut être unilatéralement instaurée par l’employeur.

Il est possible que cette décision fasse l’objet d’un appel, puis d’un pourvoi, mais elle nous semble conforme aux textes et dès lors, il est conseillé de la mettre en pratique sans attendre.

Harcèlement moral : il n’est plus nécessaire de le nommer

Revirement de jurisprudence plus protecteur pour le salarié :  jusqu’à présent, pour bénéficier de la protection légale s’appliquant aux salariés ayant dénoncé des faits de harcèlement moral, il fallait impérativement utiliser ces deux termes dans sa dénonciation.

Aux termes d’une décision du 19 avril 2023, la Cour de cassation considère dorénavant qu’il importe peu que le salarié n’ait pas explicitement qualifié de harcèlement moral ce qu’il reproche à son employeur.

En l’espèce, le salarié avait été licencié car il avait adressé à des membres du conseil d’administration une lettre dénonçant le comportement de son directeur, « en l’illustrant de plusieurs précisions », tout en faisait état d’une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Les juges du fond ont considéré qu’il dénonçait des faits correspondant à un harcèlement moral et ont déclaré le licenciement nul. L’employeur a inscrit un pourvoi sur l’arrêt.

La Cour de cassation a validé le raisonnement des juges du fond, estimant  que l’employeur « ne pouvait légitimement ignorer que par cette lettre, la salariée avait dénoncé des faits de harcèlement moral ».

Rappel : lorsqu’un salarié dénonce des faits susceptibles de recevoir une telle qualification, il ne faut pas hésiter, il faut ouvrir une enquête. L’inaction de l’employeur est sévèrement sanctionnée.

(Cass. soc., 19 avril 2023 n°21-21.563

Moyens de preuve : un témoignage anonymisé recevable

Dans cette affaire, pour justifier la sanction,  l’employeur produisait une attestation anonymisée d’un autre salarié, outre le compte-rendu, également anonymisé, de l’entretien de ce dernier avec un membre de la DRH.

La Cour d’appel a écarté ces pièces auxquelles elle a dénué toute valeur probante.

A tort, selon la Cour de cassation : le juge peut « prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments. ».

Elle reproche donc aux juges du fond d’avoir refusé toute valeur à ces pièces, tout en ayant constaté qu’elles n’étaient pas « les seules produites pour caractériser la faute du salarié (…) et qu’il lui appartenait d’en apprécier la valeur et la portée (…)».

(Cass. soc., 19 avril 2023 n°21-20.308)

Heures supplémentaires :  le salarié n’a plus rien à prouver

La relecture partisane par la Cour de cassation de l’article 3171-4 du Code du travail se poursuit.

Après avoir considéré que le salarié pouvait se contenter d’un décompte horaire rétroactif non étayé, voire d’un simple décompte du nombre global d’heures supplémentaires par semaine sans autre précision, elle franchit un pas supplémentaire dans une décision du 13 avril 2023.

En l’espèce, le salarié avait été débouté car il ne produisait aucun décompte horaire, n’apportait aucune précision sur son amplitude journalière ou hebdomadaire et se contentait de 2 attestations de proches, indiquant qu’il faisait part d’une charge de travail importante et qu’il pouvait recevoir des appels téléphoniques lors des repas.

La Cour de cassation a censuré la Cour d’appel qui avait débouté le salarié, estimant qu’elle avait fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve.

Or de simples allégations et deux attestations indirectes (par « ouï-dire ») ne sauraient en aucun cas constituer des « éléments » à l’appui d’une demande, tel que l’exige la lettre de l’article 3171-4 précité.

On notera l’absence de toute analyse juridique et de toute justification à cette lecture aussi extensive du texte, la volonté idéologique prenant le pas sur le raisonnement juridique.

Le salarié n’a (presque) plus rien à prouver.

(Cass. soc. 13 avril 2023 n°21-23920)  

 

 

Aux termes d’une décision du 8 mars 2023 (n°21-17.802), la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel ayant déclaré inopposables à la salariée plusieurs pièces de l’employeur pour démontrer les griefs à l’appui du licenciement.

Il s’agissait d’extraits de vidéosurveillances et d’un constat d’huissier de ces images, sachant que l’employeur n’avait pas déclaré ce dispositif, ni n’avait informé la salariée de son existence ainsi que de sa finalité, en violation de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978.

Constatant que la société ne communiquait pas l’audit effectué aux mois de juin et juillet 2013 qui permettait de relever de nombreuses irrégularités portant sur les encaissements et enregistrement d’espèces de prestations effectuées par la salariée, la Cour a estimé que la vidéosurveillance ne présentait pas un caractère « indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur».

L’employeur disposait, en effet, d’un autre moyen de preuve, en l’occurrence l’audit précité, qu’il n’avait pas produit, de sorte que le moyen illicite utilisé, en l’occurrence la vidéosurveillance, ne présentait pas ce caractère « indispensable ».

Il est donc naturellement écarté.

La Haute Cour confirme l’assouplissement de sa position, formulé aux termes de son arrêt du 25 novembre 2020 (17-19.523) :

« Il y a donc lieu de juger désormais que l’illicéité d’un moyen de preuve (….) n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. ».

Ce n’est que si ces deux conditions cumulatives sont réunies que la recevabilité d’une preuve illicite est admise.

Il faudra scruter à l’avenir les décisions de la Cour sur ce point, car dans des décisions ultérieures à celle de 2020 précitée, la Cour a rejeté ex abrupto des moyens de preuve en raison de leur seule illicéité, sans s’interroger si l’employeur disposait d’un autre moyen pour étayer ses griefs (cf. notamment l’arrêt 10 novembre 2021 n°20-12.263).

Le 1er février 2023, la Cour de cassation a rendu un arrêt (n° 21-20.526) aux termes duquel elle confirme la décision d’appel ayant jugé dénuée de cause la révocation d’un salarié de la RATP qui durant un long arrêt maladie, à la suite d’une agression, avait participé à 14 compétitions de badminton !

La motivation est la suivante :

« L’exercice d’une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise.

Ce préjudice ne saurait résulter du seul maintien intégral du salaire, en conséquence de l’arrêt de travail, assumé par l’employeur qui assure lui-même le risque maladie de ses salariés. ».

Personne n’ignore le caractère exigeant d’un sport tel que le badminton, qui pour être pratiqué à haut niveau nécessite une excellente condition physique.

Or, dans le cas présent, l’opérateur de contrôle de la RATP avait cumulé plus de 180 jours d’arrêt maladie pour des blessures aux bras, mais avait pu participer à nombre de compétitions sportives de haut niveau…

Cette jurisprudence trouve sa source dans la protection de la vie personnelle du salarié, y compris sur le lieu de travail, telle qu’entendue très largement par la CEDH, notamment au terme de son arrêt Niemetz du 16 décembre 1992 (n°13710/88) dans lequel elle considère que cette vie personnelle doit être entendue largement et inclus les activités professionnelles ou commerciales.

S’il est normal que l’obligation de loyauté protège les salariés contre l’arbitraire de l’employeur (notamment pour préserver les droits fondamentaux du salarié), il est légitime de s’interroger sur une conception aussi extensive, très éloignée de son fondement de bonne foi, et qui n’a pas « la même intensité » selon qu’elle s’applique à l’un ou à l’autre des contractants (Ph. Waquet, « Vie privée, vie professionnelle et vie personnelle », Dr. soc. 2010, p. 14.).

Comme le souligne dans sa thèse notre Consœur Madame Léa Amic, ( « La loyauté dans les relations de travail », sous la direction de Monsieur le Professeur Frank Petit, 19 décembre 2014) la loyauté est réduite « à l’effet objectif des conséquences d’un éventuel manquement » et octroie une certaine « immunité au travailleur pour les faits relevant de sa vie privée ».

Que penser d’un salarié qui se livre à des activités ou des déplacements qui montrent clairement qu’il est dans un état de santé lui permettant de travailler, de sorte que l’arrêt maladie paraît totalement injustifié ?

Dans sa recherche de l’équilibre entre protection des libertés et droits fondamentaux, devoir de loyauté et obligations professionnelles, le juge a perdu de vue la notion de bonne foi, inhérente à toute relation contractuelle et énoncée à l’article L. 1222-1 du Code du travail.

Cette décision est révélatrice de son obsession de voir le salarié comme la partie faible, du fait du lien de subordination, ce qui la conduit à concevoir une bonne foi à géométrie variable, entendue de manière bien plus stricte pour l’employeur.

Assurance chômage : le décret relatif aux nouvelles règles est paru

Le dispositif de modulation des allocations chômage a fait l’objet d’un décret n°2023-33 du 26 janvier, particulièrement complexe à lire du fait de son système de renvois.

Il s’applique aux fins de contrat à compter du 1er février 2023 :  le texte précise, à ce titre, que ses dispositions  « sont applicables aux travailleurs privés d’emploi dont la fin de contrat de travail est intervenue à compter du 1er février 2023, à l’exception de ceux dont la date d’engagement de la procédure de licenciement est antérieure à cette date. « .

Par date d’engagement, il faut entendre :

  • la date de l’entretien préalable au licenciement ;
  • la date de présentation de la lettre de convocation à la première réunion du comité social et économique pour les procédures de licenciements économiques collectifs.

En pratique, la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi ouvrant des droits à l’assurance chômage sera réduite de 25% :

  • si le taux de chômage est inférieur à 9%,
  • si le taux de chômage n’a pas progressé de plus de 0,8 point sur un trimestre.

En cas de dégradation du marché du travail (taux de chômage supérieur ou égal à 9% ou augmentant de minimum 0,8 point ou plus sur un trimestre), un complément de fin de droit sera versé.

Il est précisé que la durée d’indemnisation ne peut être inférieure à 182 jours calendaires, ni supérieure à 730 jours calendaires.

La durée d’indemnisation peut être allongée via un complément de fin de formation dans le cadre duquel le demandeur d’emploi devra suivre « une formation qualifiante inscrite au projet personnalisé d’accès à l’emploi » d’une durée de 6 mois minimum.

Ce complément permet d’allonger la durée d’indemnisation jusqu’au terme de la formation, mais elle ne pourra pas dépasser la durée totale calculée avant l’application du coefficient réducteur.

A titre d’exception des durées plus longues sont prévues pour les salariés âgés de plus de 53 ans :

  • pour ceux âgés entre 53 ans et moins de 55 ans, la durée maximale est de 913 jours calendaires ;
  • pour ceux âgés de 55 ans et plus, cette limite est portée à 1 095 jours calendaires.

En outre, le taux de l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise est porté 60%  au 1er juillet 2023.

Le gouvernement a publié des explications ainsi que des exemples sur le site du ministère du travail.