Une salariée engagée en qualité de conseil financier par Milleis Banque percevait une rémunération composée de commissions sur sa production personnelle, d’une prime de participation calculée sur la valeur acquise dans son portefeuille clients et d’une prime de participation calculée sur la production de son équipe.

En désaccord avec la mise en œuvre de cette clause par l’employeur, elle a saisi le Conseil de prud’hommes une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes indemnitaires.

Déboutée par le juge du fond, elle a intenté un pourvoi, faisant valoir qu’est nulle la clause réservant à l’employeur le droit de modifier à tout moment le taux et les modalités d’une rémunération variable.

Elle soulignait que son employeur avait, à plusieurs reprises, modifié son taux de commissionnement, notamment de manière rétroactive, sur la base de la clause suivante : « la société pourra à tout moment modifier le barème des commissions et volumes ainsi que le taux de la prime de participation, en fonction des circonstances et notamment en cas de dépassement du pourcentage global des commissions figurant au barème pour l’ensemble du personnel de la société ».

Au visa de  l’ancien article 1134 (devenu 1103) du code civil, aux termes duquel les contrats tiennent lieu de loi aux parties, la Cour de cassation lui a donné raison.

Elle a d’abord rappelé que la rémunération variable doit être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur et ne doit faire pas porter le risque d’entreprise sur le salarié.

Elle a, ensuite, déduit de la clause précitée que l’employeur pouvait à tout moment modifier le barème et volumes des commissions, ainsi que le taux de la prime de participation de sorte que la variation de la rémunération variable dépendait de sa seule volonté.

Dès lors qu’ils avaient effectué ce constat, les juges du fond ne pouvaient  donc débouter la salariée et leur arrêt est cassé.

La clause de rémunération variable est délicate à rédiger, n’hésitez pas à nous consulter pour éviter toute mésaventure judiciaire…

(Cass soc., 18 décembre 2024 n° 23-12.995)

#droitdutravail #variable

Il est de jurisprudence constante qu’une clause de mobilité doit définir de manière précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée.

En l’espèce, une salariée avait été licenciée pour avoir refusé une affectation au siège de l’entreprise sur le fondement d’une clause de mobilité ainsi rédigée : « mobilité professionnelle et géographique sur l’ensemble du réseau d’exploitation de la Lyonnaise de banque et de ses filiales ».

Les premiers juges ont estimé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

Ils ont considéré que la clause de mobilité portait sur une zone géographique aisément identifiable, à savoir le quart sud-est de la France et que la salariée – qui avait connu plusieurs mobilités au sein de l’entreprise – était, eu égard à ses fonctions, ses compétences professionnelles ainsi que son niveau de responsabilités, suffisamment avertie de la portée et de l’étendue de la clause.

À tort selon la Cour de cassation, saisie par la salariée.

En effet, il résultait des constatations mêmes des juges du fond que cette clause, qui envisageait une mobilité au sein des différentes filiales et établissements, ne définissait pas de façon précise sa zone géographique d’application, de sorte qu’elle était nulle.

La salariée ne pouvait donc être licenciée pour avoir refusé de rejoindre le siège.

(Cass soc., 18 décembre 2024 n° 23-13.531)

#droitdutravail #clausedemobilité

 

Une salariée a été placée en arrêt maladie à compter du 11 avril 2016, puis classée en invalidité de catégorie 2 par le médecin conseil de la caisse primaire d’assurance maladie.

L’employeur n’a pas réagi et la salariée est demeurée en arrêt maladie.

Elle a fini par saisir le Conseil de prud’hommes de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et octroi de diverses sommes indemnitaires.

Déboutée de ses demandes, elle a intenté un pourvoi et la Cour de cassation, au visa des articles R. 4624-31 et R. 4624-32 du Code du travail, a censuré les juges du fond.

La haute cour a confirmé sa position depuis 2023 : dès lors que le salarié informe l’employeur de son classement en invalidité de 2ème catégorie, sans manifester la volonté de reprendre le travail, il appartient à ce dernier de prendre l’initiative de fixer une visite de reprise, laquelle met fin à la suspension du contrat de travail.

En l’espèce, c’était à tort que les premiers juges avaient retenu que la salariée ne pouvait reprocher une absence de reclassement sur un autre poste durant son arrêt maladie, considérant que ce dernier perdurait toujours alors que la mise en œuvre d’une mesure de reclassement supposait un avis d’inaptitude, lequel ne pouvait intervenir que dans le cadre de la visite de reprise, organisée lorsque les arrêts de travail ont pris fin.

Il convient donc d’être vigilant : informé par le salarié (ou par tout autre moyen, comme la fin des IJ et le versement d’une rente invalidité) de son classement en invalidité , l’entreprise ne doit pas laisser la situation en l’état.

Elle doit programmer rapidement la visite de reprise, même si le salarié demeure en arrêt maladie.

(Cass soc., 18 décembre 2024 n° 23-16.280)

#droitdutravail #invalidité #visitedereprise

Une UES regroupant plusieurs associations de soins à domicile, dont l’association AMAPA et l’Association de soins à domicile pour personnes âgées (l’ASDAPA), a mis en œuvre un projet de réorganisation du service « portage de repas » de l’AMAPA, entraînant un reclassement pour 3 salariés et un projet de réorganisation de l’ASDAPA, portant sur la création d’un open-space.

Le CSE de l’UES a fait assigner les différentes entités composant l’UES, ainsi que son président, demandant au juge d’ordonner la suspension de chacun de ces deux projets et de recommencer le processus d’information-consultation.

Débouté par le juge du fond, le CSE a intenté un pourvoi, soutenant que ces projets concernaient la marche générale de l’entreprise.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi.

S’agissant de la réorganisation des locaux, elle a approuvé les juges du fond d’avoir relevé que le comité avait été consulté et que les attestations des salariés établissaient qu’il n’y avait pas eu de modification de leurs conditions de travail.

Concernant le changement de logiciel, elle a relevé que le nouveau logiciel avait les mêmes fonctions que le précédent et qu’il n’y avait pas eu plus d’impact sur les conditions de travail des salariés.

Enfin, au sujet de la réorganisation de l’ASDAPA, les attestations des salariés montraient que les nouvelles fiches de poste n’avaient pas entraîné de changement dans l’organisation du travail.

Elle a conclu qu’il s’agissait « de mesures ponctuelles ou individuelles, sans incidence sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, ni de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ».

Dès lors, elle a jugé que la consultation du CSE n’était pas requise.

De là à considérer que l’on peut se passer de la consultation du CSE lors d’un projet global, car il n’aurait pas d’impact sur les salariés, il y a un pas que nous ne conseillons pas de franchir.

Il convient de faire preuve de la plus extrême prudence et consulter dans un esprit de dialogue social apaisé.

(Cass soc., 27 novembre 2024, n°23-13.806)

#droitdutravail #CSE #Consultation

Une salariée a été engagée en qualité de vendeuse responsable de magasin.

Après son licenciement, elle a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement de diverses sommes, notamment d’une prime qu’elle avait perçue durant plusieurs années, puis que l’entreprise avait cessé de verser, selon elle à tort.

Elle considérait qu’il s’agissait d’un usage liant l’employeur.

Elle a obtenu gain de cause devant la juridiction du fond.

Sur pouvoir de l’employeur, la Cour de cassation a cassé la décision d’appel.

L’employeur faisait valoir dans son pourvoi que la Cour d’appel n’avait pas vérifié, comme cela lui était demandé « si la prime présentait dans son montant ou ses modalités de calcul un caractère fixe. ».

La Cour de cassation lui a donné raison, estimant qu’il importait peu que la prime ait été payée de manière continue pour les années 2010 à 2017, car il appartenait au juge du fond de constater la fixité de l’avantage, ce qu’il n’avait pas fait.

Pour rappel, un usage pour être contraignant, doit répondre à 3 critères cumulatifs : généralité, constance et fixité. L’absence de l’un de ces critères ne permet pas de le qualifier comme tel et c’est à cette vérification que doivent s’attacher les juges.

(Cass. soc., 20 novembre 2024 n°22-24.521)

Le règlement intérieur, obligatoire lorsque l’entreprise a plus de 50 salariés, doit être élaboré en respectant plusieurs étapes : i) consultation du CSE et de la CSSCT, ii) puis dépôt au greffe du conseil de prud’hommes, iii) à l’inspection du travail et enfin, iv) notification aux salariés.

l’entrée en vigueur t un mois après l’accomplissement de ces formalités de publicité.

Si ces étapes ne sont pas respectées un syndicat de l’entreprise peut demander sa suspension en référé, comme l’a confirmé la Cour de cassation.

Dans cette affaire, un salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à obtenir l’annulation de la mise à pied et syndicat CGT Schindler est intervenu volontairement à l’instance.

L’employeur a contesté la légitimité du syndicat à agir et a obtenu gain de cause devant le juge du fond.

Sur pourvoi du syndicat la Cour de cassation a rappelé que les syndicats peuvent agir afin de défendre les intérêts collectifs des salariés, même en référé et sont donc fondés à demander la suspension du règlement intérieur si les formalités substantielles posées par le code du travail n’ont pas été respectées.

Toutefois, elle précise que cette action ne peut aboutir à une annulation du règlement, mais seulement à sa suspension.

(Cass. soc., 23 oct. 2024 no 22-19.726)

Une salariée engagée en CDD par la société Lidl est licenciée pour faute grave alors qu’elle se trouve en état de grossesse.

Elle a saisi le Conseil de prud’hommes pour contester la faute grave, solliciter la nullité de son licenciement.

Dans ce cadre, elle n’a pas demandé sa réintégration mais des dommages et intérêts, et aussi le paiement des salaires dus pendant la période de protection couverte par la nullité.  

Les juges du fond ont accueilli cette demande et l’employeur a intenté un pourvoi, estimant qu’elle n’avait pas droit à ces rappels de salaire pendant la période de protection, seule l’allocation de dommages et intérêts pouvant être ordonnée.

En effet, en principe, la conséquence de la nullité est : la réintégration ou l’indemnisation.

Pourtant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en s’appuyant sur le droit européen.

Elle s’est fondée sur l’article 10 de la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 qui interdit le licenciement d’une salariée en état de grossesse, ainsi que l’article 18 de la directive 2006/54/CE qui exige des Etats qu’ils prennent des mesures, afin que le préjudice causé par une discrimination a raison du sexe soit réparé ou indemnisé « de manière dissuasive et proportionnée par rapport au dommage subi. ».

Elle a, enfin, utilisé la jurisprudence de la CJUE selon laquelle si la situation d’égalité ne peut être rétablie faute de réintégration, alors elle doit l’être par une réparation pécuniaire qui doit compenser intégralement les préjudices subis (CJCE, arrêt du 2 août 1993, Marshall, C-271/91, point 25 ; 17 décembre 2015, Arjona Camacho, C-407/14, points 32 et 33).

Puis par un tour de passe-passe dont elle a le secret, la Cour de cassation a interprété l’article L. 1235-3-1 du code du travail avec ces dispositions européennes, considérant qu’outre l’indemnité de licenciement, la salariée a droit, en application de l’article L 1225-71 du même code, au paiement des salaires pendant la période couverte par la nullité.

Or l’article L. 1225-71 précité dispose juste que l’inobservation des dispositions des articles protecteurs de la femme en état de grossesse peut donner lieu à l’attribution d’une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1.

Ce dernier article énonce seulement que le salarié qui ne demande pas sa réintégration en cas de nullité se voit octroyer une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des 6 derniers mois.

Il n’est aucunement prévu le paiement des salaires pendant la période de protection !

Il est à craindre malheureusement que cette analyse ne s’étende à d’autres cas de nullité, sachant que depuis la mise en œuvre du barème Macron, il n’y a pratiquement plus une procédure qui ne vise pas une telle nullité.

(Cass. soc., 6 nov. 2024 n°23-14.706)

#nullité #grossesse #licenciement

Hors groupe de sociétés, une entreprise ne peut être qualifiée de co-employeur à l’égard du personnel d’une autre que s’il existe « au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques » entre elles et « l‘état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.« .

En l’espèce, nonobstant l’étroitesse des liens commerciaux, ainsi que la coordination des actions commerciale entre la FDJ et ses intermédiaires, ces derniers « demeuraient libres de contracter ou non avec elle, de gérer et d’administrer librement leur société. ».

Il ne peut être retenu de confusion des directions, les gérants des intermédiaires conservant la maîtrise de l’organisation de leurs propres structures.

La Cour a pris le soin de préciser qu’une domination d’une société sur une autre ne caractérise pas un co-emploi dès lors qu’elle « n’aboutit pas à une soumission permanente de la première sur la gestion économique de la seconde qui se trouverait ainsi privé de toute autonomie. ».

Cette jurisprudence confirme la position de la Cour de cassation exigeant l’immixtion permanente d’une société dans les affaires de l’employeur, énoncée dans un arrêt du 25 novembre 2020 (18-13.769).

Il convient donc de rechercher quel est le véritable décideur.

(Cass. soc. 9 octobre 2024 n°23-10.488)

#DroitDuTravail #coemploi

Il y a deux enseignements importants à tirer de cet arrêt du 3 octobre 2024.

⚠️En premier lieu, le RGPD s’applique à la production de documents concernant des tiers et contenant des données personnelle. Il s’agit d’un traitement de données qui doit reposer sur une base juridique, notamment les articles 6 et 23 du RGPD. La licéité d’un tel traitement repose sur les articles L. 1132-1 et suivants du code du travail prohibant les discriminations, ainsi que les articles 6 et 8 de la CEDH, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et les principes du droit à la preuve.

⚠️En second lieu, la Cour de cassation exige que le juge veille au respect du principe de minimisation des données posé par la jurisprudence communautaire (CJUE, 2 mars 2023, aff. C-268/21, Norra Stockholm Bygg).

Elle donne le mode d’emploi à respecter et impose au juge de suivre les 6 étapes suivantes :

1. rechercher si cette communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi ; 2. vérifier si les éléments demandés sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés ;

3. vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi ;

4. cantonner, au besoin d’office, le périmètre de la production de pièces sollicitées au regard notamment des faits invoqués et de la nature des pièces sollicitées ;

5. veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant l’occultation des données non indispensables à l’exercice du droit à la preuve : il faudra s’assurer que les mentions apparentes sont adéquates, pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés, en tenant compte du motif de discrimination invoqué ;

6. enjoindre aux parties de n’utiliser ces éléments qu’aux seules fins de l’action en discrimination.

Le salarié ne pourra donc pas solliciter une production de pièces extensives lui permettant « d’aller à la pêche » comme c’est trop souvent le cas et l’employeur disposera de moyens pour veiller au bien fondé de la demande et la circonscrire.

(Cass. civ 2e, 3 octobre 2024 n° 21-20.979)

#droitdutravail #RGPD #discrimination #preuve

 

Selon une jurisprudence maintenant constante, un système de géolocalisation pour assurer la surveillance de la durée du travail du salarié « n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen fût-il moins efficace, et n’est pas justifiée lorsque les salariés disposent d’une liberté dans l’organisation de son travail. ».

la Cour de cassation vient de le confirmer à nouveau dans le cadre d’un arrêt inédit concernant la société Médiaposte le 25 septembre dernier.

Cette jurisprudence se fonde sur la position de la CNIL selon laquelle un tel dispositif ne doit pas être utilisé « dans le véhicule d’un employé disposant d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements (par exemple : VRP) ;(…).» (https://www.cnil.fr/fr/la-geolocalisation-des-vehicules-des-salaries).

On peut néanmoins s’interroger sur la pertinence de cet axiome, s’agissant de salariés exerçant des fonctions itinérantes et pouvant organiser librement leur activité, plus particulièrement celles des distributeurs de journaux et imprimés,

Par essence, le salarié qui n’a pas de liberté dans l’organisation de son travail n’a pas besoin d’être géolocalisé puisqu’en principe l’employeur est en mesure d’exercer un contrôle continu, « de visu »,  sur son respect de la durée du travail.

En revanche, s’agissant de salariés exerçant seuls, en dehors des locaux de l’entreprise, on ne voit pas bien comment s’assurer du respect de la durée du travail et quel système moins efficace pourrait être mis en œuvre, à l’exception d’un mécanisme purement déclaratif dont la fiabilité est fortement sujette à caution.

Par ailleurs, le fait de disposer d’une liberté dans l’organisation de son travail n’écarte pas l’obligation pour l’employeur de décompter la durée du travail de son salarié en application de l’article D. 3171-8 du code du travail.

Le pendant de cette liberté est le contrôle exercé par l’entreprise, auquel elle est tenue.

Dans ce cas de figure la géolocalisation semble au contraire justifiée, à condition bien sûr de s’assurer quel n’empiète pas sur la vie privée personnelle du salarié et que ce dernier peut librement désactivé le dispositif.

(Cass. soc. 25-9-2024 n° 22-22.851)