Les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle sont indemnisées de manière forfaitaire, par le paiement d’une rente versée par la caisse de sécurité sociale.

La rente qui est majorée en cas de faute inexcusable de l’employeur (lorsque le salarié a été soumis à un danger qui ne pouvait être ignoré par l’employeur).

Cette réparation forfaitaire, prise en charge par la collectivité, exclut en principe que la victime puisse se retourner directement contre l’employeur, sauf en cas de faute inexcusable.

Dans cette hypothèse, quelques préjudices non couverts par la rente peuvent faire l’objet d’une demande du salarié, tels que le préjudice d’agrément, les souffrances physiques ou morales (à condition de démontrer un préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent), ou encore le préjudice sexuel.

Mais, jusqu’à présent, la jurisprudence considérait que l’essentiel des préjudices de la victime étaient indemnisés par la rente, notamment le préjudice professionnel (pertes de gains professionnels) ainsi que le fameux « déficit fonctionnel permanent », soit le handicap subi par la victime au quotidien, après consolidation.

Aux termes de deux arrêts du 23 janvier 2023, la Cour a drastiquement modifié son analyse de ce déficit fonctionnel et ouvert la voie à une indemnisation complémentaire plus importante (Cass., Ass. plén. 20 janvier 2023, n° 21-23.947 et 20-23.673).

Dans ces 2 espèces, il s’agissait de salariés victimes de l’amiante, décédés d’un cancer du poumon.

S’alignant sur la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 8 janvier 2013 R. Lebon 361273) qui estime que la rente ne couvre que les préjudices professionnels (perte de gains professionnels, incidence de l’incapacité sur l’évolution professionnelle future), la Haute juridiction a décidé que cette rente n’indemnisait pas le déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire les souffrances éprouvées par la victime dans le déroulement de sa vie quotidienne.

En conséquence :

  • la réparation de ces préjudices peut désormais être obtenue sans que les victimes n’aient à prouver un préjudice distinct de ceux réparés par le paiement de la rente ;
  • cette jurisprudence va permettre aux victimes d’être mieux indemnisées et de facto entraine des conséquences financières importantes pour les employeurs ;
  • il est donc essentiel d’agir sur la prévention, de repenser les conditions de travail pour réduire le risque d’accident du travail et de maladie professionnelle et plus encore de condamnation pour faute inexcusable ;
  • en cas de survenance d’un accident, il est essentiel d’en analyser les circonstances de fait et si la situation le justifie, d’émettre dès la déclaration des réserves objectives et précises, afin d’obvier le risque d’une condamnation pour faute inexcusable.

Un salarié steward au sein de la compagnie Air France se présente, lors de sa prise de poste, coiffé de tresses africaines nouées en chignon.

L’embarquement lui est refusé au motif que sa coiffure n’est pas autorisée par le « Manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin » qui prévoit: «Les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur de la chemise. ». 

Pendant plusieurs années le salarié porte une perruque pour exécuter ses missions. Il considère être victime d’une discrimination et saisit en 2012 la juridiction prud’homale afin d’être indemnisé.

Les juges du fond le déboutent, soulignant que le manuel précité « n’instaure aucune différence entre les cheveux lisses, bouclés ou crépus et donc aucune différence entre l’origine des salariés. » Seule sa coiffure était reprochée au salarié « ce qui est sans rapport avec la nature de ses cheveux ».

Ils se réfèrent, en outre, aux « codes en usage » soit « la différence d’apparence admise à une période donnée entre hommes et femmes », ainsi qu’à « la volonté de la compagnie de sauvegarder son image (…) cause valable de limitation de la libre apparence des salariés. ».

Le salarié intente alors un pourvoi et, aux termes d’une décision du 23 novembre 2022 publiée au bulletin, qui a fait l’objet d’un communiqué de presse, la Cour de cassation casse la décision des juges d’appels.

En l’espèce, les hauts magistrats reprochent aux juges d’appel de s’être fondés sur la nécessité de permettre l’identification du personnel de la société et de préserver l’image de celle-ci, puisque seul l’uniforme permet cette identification.

En outre, ils rejettent le critère tiré de la perception sociale de l’apparence physique des genres masculins et féminins.

 Ils rappellent que si une différence de traitement « peut être justifiée par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnée au but recherché. », cette notion d’exigence doit être « objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle (…) ».

Selon la Cour, l’interdiction faite aux salariés de porter une coiffure autorisée pour le personnel féminin caractérise une discrimination directement fondée sur l’apparence physique, en lien avec le sexe.

Et surtout, elle estime qu’il n’est pas possible de refuser à un homme ce qui est autorisé à une femme car  « la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement  ».

In fine, sur le lieu de travail, chacun est libre de se donner l’apparence qui lui convient, quitte à bousculer les codes sociaux classiques relatifs au genre.

 

 

 

La Cour de cassation s’aligne sur la CJUE et accepte de tenir compte les contraintes auxquelles les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif (Ass. Plen., 23 novembre 2022 n°20-21.924 et note explicative).

Dans cette affaire, un salarié technico-commercial itinérant devait intervenir sur 7 départements du «Grand Ouest» éloignés de son domicile et était parfois contraint à ne pas pouvoir rentrer chez lui le soir.

Il réclamait des rappels d’heures supplémentaires, outre l’indemnité pour travail dissimulé, le tout au titre des déplacements qu’il effectuait pour se rendre sur les lieux d’exécution de son contrat de travail et les premiers juges font droit à sa demande.

L’employeur intente un pourvoi qui est rejeté.

Avec cet arrêt, la Cour se met au diapason de la jurisprudence de la CJUE interprétant la directive européenne du 4 novembre 2003 (CJUE 10 sept. 2015 aff C-266/14, 9 mars 2021 aff C-344/19 et C-580/19).

Elle souligne que les notion de temps de travail et de repos sont «des notions de droit de l’Union qu’il convient de définir selon des caractéristiques objectives », selon une interprétation « autonome », en raison de la nécessité de permettre à la directive d’avoir un effet utile. les Etats membres ne peuvent venir y apporter des restrictions.

L’assemblée plénière considère qu’il « y a donc lieu de juger désormais que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif (…), ils ne relèvent pas du champ d’application de l’article L.3121-4 du Code ».

Si tel est le cas, c’est-à-dire si pendant ce temps de trajet, le salarié itinérant doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, ce temps de trajet devra être considéré comme du temps de travail effectif.

Dans le cas contraire, le salarié itinérant ne pourra prétendre qu’à la contrepartie financière ou sous forme de repos prévue par l’article L.3121-4 précité, lorsqu’il dépasse le temps « normal » de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail.

En l’espèce, la Haute Cour a confirmé la décision d’appel car, en l’espèce, le salarié devait « en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs », de sorte qu’il « devait se tenir à la disposition de son employeur ». 

Il s’agit finalement d’en revenir à la définition du temps de travail effectif, telle que prévue par l’article L.3121-1 du Code du travail : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».

Aux termes du code du travail, en droit français il convient de distinguer « période d’astreinte » et « intervention en astreinte » (art L. 3121-9).

La période d’astreinte n’est pas considérée comme du temps de travail effectif et ne donne lieu qu’à indemnisation.  Seule l’intervention proprement dite est considérée comme telle et comptabilisée dans le décompte de la durée du travail.

Cette règle était appliquée avec constance par les juridictions du fond, parfois en s’appuyant sur les stipulations des accords collectifs applicables.

Or, une telle distinction n’est pas conforme à la Directive 2003/88. En effet, la CJUE a exposé aux termes d’un arrêt du 9 mars 2021 (Aff C-344/19)  sur question préjudicielle que « Les différentes prescriptions qu’énonce la directive 2003/88 en matière de durée maximale de travail et de temps minimal de repos constituent des règles du droit social de l’Union revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur ».

Elles « ne sauraient faire l’objet d’une interprétation restrictive au détriment des droits que le travailleur tire de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, CCOO, C‑55/18, EU:C:2019:402, points 30 à 32 et jurisprudence citée).

Et elles « constituent des notions de droit de l’Union qu’il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de la directive 2003/88. En effet, seule une telle interprétation autonome est de nature à assurer à cette directive sa pleine efficacité ».

Selon la CJUE « une période de garde sous régime d’astreinte, bien qu’elle n’impose pas au travailleur de demeurer sur son lieu de travail, doit également être qualifiée, dans son intégralité, de « temps de travail », au sens de la directive 2003/88, lorsque, en considération de l’impact objectif et très significatif des contraintes imposées au travailleur sur les possibilités, pour ce dernier, de se consacrer à ses intérêts personnels et sociaux, elle se distingue d’une période au cours de laquelle le travailleur doit uniquement être à la disposition de son employeur afin que ce dernier puisse le joindre ».

En synthèse :

      • si le salarié peut planifier ses occupations personnelles et sociales, car il dispose d’un certain délai pour intervenir, alors la période d’astreinte n’est pas « temps de travail » au sens de la directive précitée ;
      • si le délai imposé au salarié pour se remettre au travail est court et qu’en outre, il est amené à effectuer plusieurs interventions successives, alors cette période est du « temps de travail ».

Tirant les conséquences de cette décision, la Cour de cassation a rendu un arrêt le 26 octobre 2022 dans lequel  elle s’y réfère expressément pour casser l’arrêt d’appel ayant débouté un salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des périodes d’astreintes, en se référant notamment à la convention collective des dépanneurs.

Elle a reproché aux premiers juges de n’avoir pas vérifié « si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d’astreinte, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles ».

Si la réponse à cette question est positive, la période d’astreinte hors intervention devra impérativement être décomptée comme temps de travail et rémunérée comme telle.

Tout dépendra des circonstances de fait et du degré de sujétion imposé aux salariés : l’éloignement du domicile, la possibilité d’organiser des activités de loisir, le délai pour intervenir et le nombre, ainsi que la fréquence des interventions.

La loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoit en son article 5 la faculté pour les salariés de monétiser tout ou partie de leurs journées ou demi-journées de repos.

Le gouvernement a publié son mode d’emploi le 27 octobre 2022.

Qui ?

Les salariés bénéficiant de journées ou demi-journées de repos en application d’un accord collectif instituant un dispositif de réduction du temps de travail.

Les salariés bénéficiant de jours de repos conventionnels dans le cadre des articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail.

Exclusions :

Ne concerne pas les salariés en forfait en jours ; ni ceux dont les jours de repos déposés sur un CET.

Modalités :

Cette possibilité concerne tous les jours RTT issus d’un aménagement du temps de travail institué par accord ou unilatéralement, d’un cycle ou d’une modulation.

Le salarié peut renoncer à tout ou partie de ses JRTT acquis à partir du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025

Aucun formalisme n’est prévu mais il est conseillé de privilégier l’écrit.

L’employeur peut refuser tout ou partie de la demande.

Régime social et fiscal :

Les heures accomplies du fait de la monétisation des JRTT ne sont pas imputées sur le contingent d’heures supplémentaires et ne se voient appliquer que la majoration pour la 1ère heure soit 25%.

Le régime social de cette monétisation est le suivant :

  • réduction des cotisations salariales d’assurances vieillesse ;
  • déduction forfaitaire des cotisation patronales à hauteur de 1,5 € pour les entreprises de moins de 20 salariés.

Pour l’exonération de cotisations salariales d’assurance vieillesse, la rémunération à prendre en compte est celle du jour de repos auquel le salarié renonce, en tenant compte des majorations associées.

La monétisation ouvre droit au bénéfice des dispositifs d’exonération d’impôt sur le revenu applicables aux heures supplémentaires et ce dans la limite de 7 500 €.

En cas de contrôle, l’employeur doit pouvoir justifier  de la demande du salarié et de son accord.

Dans un arrêt du 13 octobre 2022 n°C‑344/20 rendu sur question préjudicielle du tribunal du travail de Bruxelles et au visa de la directive 2000/78 ayant pour objet de lutter contre les discriminations, la CJUE encadre la mise en œuvre du principe de neutralité.

Il avait été demandé à une candidate à un stage en Belgique de respecter la clause de neutralité du « règlement de travail » de l’entreprise selon laquelle « les travailleurs s’engagent à respecter la politique de neutralité stricte qui prévaut au sein de l’entreprise » et « veilleront à ne manifester  en aucune manière, ni en paroles, ni de manière vestimentaire, ni d’aucune autre manière, leurs convictions religieuses philosophiques où politiques quelles qu’elles soient. ».

Elle portait le voile et a refusé. N’ayant pas été retenu pour le stage et l’entreprise lui ayant signifié qu’aucun couvre-chef n’étant accepté en ses locaux, elle a signalé une discrimination auprès de l’organisme public en charge de la lutte contre celles-ci.

Parmi les questions dont été saisie la CJUE figurait la suivante : l’interdiction du port d’un signe ou d’un vêtement connoté, contenue dans le règlement de travail de S.C.R.L., constitue une discrimination directe fondée sur la religion. (c.f communiqué de presse 167/22 de la CJUE)

La Cour prend le soin de rappeler que toute personne étant susceptible d’avoir une religion, des convictions religieuses, philosophiques ou spirituelles, une telle règle n’instaure pas de différence de traitement fondée sur la religion, en elle-même et n’est pas une discrimination directe.

En revanche, cette règle serait susceptible de constituer une discrimination indirecte, s’il est établi qu’elle aboutit  « en fait, à un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données. »  (cf. communiqué précité)

La Cour donne deux guidelines claires, mais la seconde est difficile à mettre en œuvre :

-d’une part, la clause de neutralité ne doit pas viser spécifiquement les religions, mais viser tout signe permettant d’afficher des convictions quelles qu’elles soient (cf. CJUE, 15 juill. 2021, affaires n° C-804/18 et C-341/19) ;

-d’autre part, il faut que la mesure soit « objectivement justifiée par un objectif légitime », les moyens d’y parvenir « appropriés et nécessaires (…) » et « la volonté d’un employeur d’afficher, dans les relations avec les clients tant publics que privés, une politique de neutralité politique, philosophique ou religieuse [puisse être]considérée comme légitime.« .

Il appartient donc à ce dernier de démontrer un objectif légitime, fondé sur un besoin véritable.

Comment le déterminer ?

Selon la Cour : « la volonté d’un employeur d’afficher, dans les relations avec les clients tant publics que privés, une politique de neutralité politique, philosophique ou religieuse peut être considérée comme légitime. ».

Mais cela ne suffit pas : « le caractère objectif d’une telle justification ne pouvant être identifié qu’en présence d’un besoin véritable de cet employeur, qu’il lui incombe de démontrer ».

A l’employeur d’en rapporter la preuve et de le caractériser.

Ce ne sera pas une mince affaire…

L’organisme de gestion d’un établissement catholique avait consulté son CSE le 18 mars, sur la résiliation du contrat d’association conclu avec le ministère de tutelle en raison de la décision de la fermeture d’un lycée professionnel.

La consultation sur les orientations stratégiques devait avoir lieu 6 jours plus tard soit le 24 mars.

Le CSE  conteste ce calendrier et estime que cette consultation sur les orientations stratégiques aurait du se tenir au préalable.

A sa demande, la cour d’appel ordonne la suspension de la consultation sur le projet de fermeture et la résiliation de la convention avec la tutelle, jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques.

L’organisme de gestion intente un pourvoi et fait valoir que ces deux consultations « sont parfaitement autonomes » et que « l’employeur est libre de soumettre tout projet ponctuel à la consultation du CSE dès lors que le projet lui apparait suffisamment déterminé », indépendamment de la consultation sur les orientations stratégiques.

Mettant fin à un débat récurrent, la Cour de cassation lui donne raison en ces termes :

« la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » 

Aux termes de sa note explicative la Cour souligne que « par son objet et par sa temporalité, cette consultation [sur les orientation stratégiques] a été définie indépendamment des consultations ponctuelles. Elle offre un cadre à une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, distincte des consultations ponctuelles du comité social et économique ».

(Cass. soc. 21 septembre 2022 n° 20-23.660)

Le Décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022 détaille les modalités selon lesquelles sont établies les procédures internes de recueil et de traitement dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Ces sociétés doivent établir une procédure de recueil et de traitement des signalements, même si le lanceur d’alerte est libre d’opter pour un signalement à l’extérieur.

Il est rappelé que cette procédure doit être soumise à la consultation du CSE.

Seuils d’effectifs (art 2) : l’effectif est apprécié selon les dispositions de l’article L 130 du code de la sécurité sociale.

Il est apprécié à la clôture des deux derniers exercices comptables (art. 2).

Modalités du recueil de signalement (art. 4) : la procédure établit le « canal de réception des signalements qui permet à toute personne mentionnée  [aux termes de la loi Sapin] d’adresser un signalement par écrit ou par oral. (…). La procédure précise que ce signalement peut s’effectuer par téléphone ou par tout autre système de messagerie vocale et, sur la demande de l’auteur du signalement et selon son choix, lors d’une visioconférence ou d’une rencontre physique organisée au plus tard 20 jours ouvrés après réception de la demande ».

Le canal de réception doit permettre de transmettre tout élément, quelque soit sa forme ou son support, de nature à étayer le signalement.

L’auteur du signalement est informé par écrit de la réception de son signalement dans un délai de 7 jours ouvrés à compter de cette réception.

La procédure peut prévoir qu’hormis le cas du signalement anonyme, l’auteur justifie de sa qualité pour y procéder.

Vérifications (art. 4) : la procédure doit préciser que l’entreprise vérifie que les conditions du signalement, telles que prévues par la loi sont respectées.

Et qu’elle peut demander toute précision à l’auteur du signalement.

Suites (art. 4) : la procédure doit prévoir les suites du signalement.

  • les suites données au signalement qui n’entrent pas dans les conditions légales et l’information qui sera délivrée au lanceur d’alerte ;
  • les suites données aux signalement anonymes;
  • le traitement du signalement, si celui-ci remplit les conditions légales et les moyens pour remédier à son objet.

Le traitement du signalement doit avoir lieu dans un délai qui n’excède pas 3 mois à compter de l’accusé réception adressé au lanceur d’alerte.

Indentification du service de traitement (art. 5) : « La procédure indique la ou les personnes ou le ou les services désignés par l’entité pour recueillir et traiter les signalements. ». 

Dans les entreprises de moins de 500 salariés et 100 millions de chiffre d’affaires (cf. art 17-I de la loi du 9 novembre 2016) il est possible de dissocier la personne ou le service qui reçoit le signalement de ceux qui le traiteront. Le recueil des signalement peut être délégué à un prestataire externe.

Le Décret précuise que « Les personnes ou services désignés disposent, par leur positionnement ou leur statut, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de leurs missions ».

Contenu de la procédure (art. 6) :

Elle garantit « l’intégrité et la confidentialité des informations recueillies dans un signalement, notamment l’identité de l’auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers qui y est mentionné.

La procédure prévoit la transmission sans délai aux personnes ou services mentionnés au I de l’article 5 des signalements reçus par d’autres personnes ou services.
Les informations recueillies ne peuvent être communiquées à des tiers que si cette communication est nécessaire pour traiter le signalement (…) ».

Tout signalement effectué oralement doit être consigné et le Décret précise comment, en fonction de la manière dont il est recueilli :

– « sur une ligne téléphonique enregistrée ou sur un autre système de messagerie vocale enregistré », soit la conversation est enregistrée « sur un support durable et récupérable« , soit elle est retranscrite de manière intégrale ;
– » sur une ligne téléphonique non enregistrée ou sur un autre système de messagerie vocale non enregistré« , il est établi un procès-verbal précis de la conversation ;
dans le cadre d’une visioconférence ou d’une rencontre physique, avec l’accord de son auteur, il est soit procédé à un enregistrement de la conversation sur un support durable et récupérable, soit dressé un procès-verbal.

L’auteur du signalement doit  avoir la possibilité de vérifier, rectifier et d’approuver la transcription de la conversation ou le contenu du procès-verbal par l’apposition de sa signature.

Les enregistrements, retranscriptions ou procès-verbaux ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire au traitement.

A la clôture de l’enquête et une fois que le traitement a été effectué, l’entreprise informe l’auteur de la clôture du dossier.

L’entreprise doit veiller à ce que seules les personnes autorisées aient connaissance du signalement et de l’enquête. Tous les éléments les concernant doivent rester strictement confidentiels.

L’identité du lanceur d’alerte ne peut être dévoilée qu’avec son accord.

Diffusion de la procédure (art. 8) : « La procédure est diffusée (…) par tout moyen assurant une publicité suffisante, notamment par voie de notification, affichage ou publication, le cas échéant sur son site internet ou par voie électronique, dans des conditions permettant de la rendre accessible de manière permanente aux personnes mentionnées au A du I de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 susvisée. ».

 

Aux termes d’un arrêt du 21 septembre 2022 la Cour de cassation qui procède en général à une lecture stricte de l’article L 1233-3 du code du travail et de ses indicateurs, ouvre un peu la porte à une acception plus large.

Selon son attendu de principe :

« Si la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. ».

Elle sanctionne les juges du fond :

  • pour avoir dit que le motif économique n’était pas avéré alors que « l’employeur invoquait également des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social et un niveau d’endettement s’élevant à 7,5 millions d’euros à fin décembre 2016 »
  • sans examiner s’il ne justifiait pas « de difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés au 1° de l’article L. 1233-3 du code du travail, soit par tout autre élément de nature à les justifier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »

Cass. soc. 21 septembre 2022 n° 20618.511

 

 

Aux termes d’une décision du 14 septembre 2022 la Cour de cassation a jugé :

« La seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée. ».

On rappellera que « la différence de traitement entre les salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence » (Cass. Soc. 15 mai 2007, n° 05-42.894)

L’employeur doit justifier les différences de rémunérations entre salariés par des éléments objectifs, pertinents et vérifiables et ces éléments concernent  avant tout les fonctions, les missions et responsabilités exercées.

Le diplôme, élément extérieur, ne suffit pas en lui-même puisque la Cour de cassation a validé le raisonnement des juges du fond selon lequel les pièces produites ne permettaient pas de constater que « ce diplôme attestait de connaissances particulières utiles à l’exercice des fonctions occupées ».