Préjudice d’anxiété : le droit commun, rien que le droit commun

Dans le cadre de plusieurs décisions rendues le 13 octobre dernier, la Cour de cassation a précisé le régime et la définition du préjudice d’anxiété.

En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité. Le salarié doit justifier d’un préjudice d’anxiété personnellement subi.

On rappellera qu’aux termes d’un arrêt du 5 avril 2019, la Cour de cassation a décidé que l’indemnisation de ce préjudice pouvait être accordé à tout salarié ayant travaillé dans un établissement l’exposant à l’amiante, peu importe que l’établissement ne figure pas dans la liste ouvrant droit à la préretraite amiante. (Cass soc 5. 04. 2019 n°18-17.442)
Cette jurisprudence a été étendue à toute exposition à une substance pouvant engendrer un risque en termes de santé pour le salarié. (Cass soc 11. 09. 2019 n° 17-24.888)

Afin d’en déterminer les contours, la Cour de cassation exige que le salarié démontre la réalité des troubles psychologiques qu’il a subis. Ainsi, dans le cadre d’un recours commun engagé par des salariés, elle a cassé la décision de la cour d’appel ayant condamné l’employeur à les indemniser sur le seul fondement de la remise d’un document reconnaissant l’exposition à une substance nocive et dangereuse.

Selon la cour de cassation « Le salarié doit justifier d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’un tel risque. » et « Le préjudice d’anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque (…), est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave ».
Dès lors l’analyse des juges du fond, qui se sont déterminés par des motifs généraux, insuffisants à « à caractériser le préjudice d’anxiété personnellement subi résultant du risque élevé de développer une pathologie grave». (Cass soc 13.10.2021 n°20-16.585 et s.)

L’exposition en elle-même ne suffit pas, elle doit avoir engendré un trouble psychologique. C’est pourquoi, le même jour, dans deux autres décisions, la Cour a confirmé la décision des juges du fond ayant relevé que « les examens subis par le salarié (…) avaient mis en lumière une évolution négative de son état de santé (…) et qu’il justifiait d’une inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante avec le risque d’une pathologie grave pouvant être la cause de son décès (….)» qui avaient condamné l’employeur à indemniser les intéressés de leur préjudice d’anxiété . (Cass. soc. 13-2 10-2021 n° 20-16.617, n° 20-16.583).

Par ces arrêts, la Cour parfait le régime du préjudice d’anxiété dont les règles sont aujourd’hui clairement posées pour les plaideurs.