A l’heure où les trois principales organisations syndicales du transport routier de marchandises, considérant que les conditions de travail des salariés sur la route ou en entrepôts manquent toujours de « sécurité sanitaire », demandent aux concernés d’exercer leur droit de retrait à partir du lundi 30 mars 2020, il nous est apparu nécessaire de revenir sur la notion de droit de retrait du salarié au regard de la crise sanitaire sans précédent que connait le pays.

  1. Définition du droit de retrait en droit du travail

 Il est régi par les dispositions de l’article L. 4131-1 du Code du travail selon lesquelles :

 « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »

Le droit de retrait peut être exercé individuellement par un salarié ou bien par un groupe de salariés.

L’exercice unilatéral de ce droit individuel neutralise provisoirement les pouvoirs de direction et disciplinaire de l’employeur. Ainsi, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être immédiatement prise à l’encontre d’un salarié ou d’un groupe de salariés qui ont exercé leur droit de retrait (C. trav., art. L. 4131-3).

Selon nous, l’employeur peut toutefois par la suite, c’est-à-dire dans un délai bref, et après une analyse exhaustive, concrète et précise de la situation – dont il aura le cas échéant à justifier – prononcer une sanction ou pratiquer une retenue sur salaire, s’il établit que les circonstances de fait contredisent l’existence d’un danger grave et imminent. Ces décisions, prises dans le cadre du pouvoir de direction de l’employeur, pourront ultérieurement être discutées devant les tribunaux (voir infra.).

En cas de non-paiement des salaires, il a été jugé que la prise d’acte du salarié ayant légitimement exercé son droit de retrait s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 1er juill. 2009, no 08-42.074).

Par ailleurs, le licenciement sanctionnant l’exercice légitime du droit de retrait est susceptible d’être frappé de nullité et d’entrainer la réintégration du salarié (Cass. soc ; 28 janvier 2009, n° 07-44.556).

Ce droit de retrait s’accompagne d’un dispositif d’alerte appartenant au CSE (ex CHSCT) en cas de « danger grave et imminent »   en application de l’article L. 4131-2 du même code.

Toutefois, les deux dispositifs sont parfaitement indépendants et le salarié n’est donc pas tenu d’informer en premier lieu le CSE puis l’employeur. Il peut parfaitement n’alerter que ce dernier (Cass. soc., 10 mai 2001, no 00-43.437).

  1. Champ d’application du droit de retrait

Le droit de retrait individuel s’applique aux employeurs de droit privé, aux établissements publics à caractère industriel et commercial, aux établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé, ainsi qu’aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

 Les développements qui suivent ne concernent pas le droit de la fonction publique mais un dispositif similaire est prévu par les textes sauf pour certaines professions incompatibles avec l’exercice de ce droit (douanes, police, administration pénitentiaire, etc.)

 Le droit d’alerte concerne tous les salariés, quelle que soit leur situation juridique et la nature de leur contrat ainsi que les travailleurs temporaires, les salariés mis à disposition, et les stagiaires et plus généralement toute personne placée à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur.

S’agissant du cadre juridique contractuelle contrat de travail doit être en cours d’exécution pour autoriser le salarié à invoquer son droit de retrait.

Il ne saurait donc être invoqué lorsque le contrat est suspendu pour quelque cause que ce soit et notamment en cas d’arrêt maladie (qu’il s’agisse de l’arrêt maladie classique ou de l’arrêt de travail indemnisé lié à l’actuelle épidémie).

Il ne saurait non plus, selon nous, être mis en avant par un salarié en télétravail, situation vécue actuellement par des millions de salariés : le contrat est certes en cours d’exécution mais ses modalités d’exécution limitant, voire excluant, en principe, d’être confronté à une situation de « danger grave et imminent ».

  1. Les conditions de forme du droit de retrait

Qu’il ait ou non décidé d’arrêter le travail, le salarié est tenu de signaler immédiatement à l’employeur le danger constaté.

S’il l’exerce, le droit d’alerte n’obéit à aucun formalisme ou procédure.

En conséquence, aucune disposition ne peut lui imposer d’exercer ce droit par écrit.

Toute clause d’un règlement intérieur prévoyant une telle sujétion non justifiée par les nécessités de la sécurité dans l’entreprise serait déclarée illégale (CE, 4 mai 1988, no 74.589), Cass. soc., 28 mai 2008, no 07-15.744).

La jurisprudence a même admis qu’il pouvait être déduit des circonstances de fait.

  1. La notion de « danger grave et imminent » et l’office du juge

La notion de danger grave et imminent s’apprécie du point de vue du salarié, au regard de ses connaissances et de son expérience. Dès lors, que le salarié a un motif légitime de croire à un danger possible, il peut exercer valablement son droit de retrait.

Peu importe qu’un rapport d’expert ait conclu par la suite à l’absence de tout danger réel et prévisible (Cass. crim., 8 oct. 2002, no 01-85.550) ou qu’un rapport de visite de l’inspecteur du travail ait finalement conclu dans le même sens (Cass. soc., 23 mars 2005, no 03-42.412).

Ce qui importe, c’est qu’au moment où le droit de retrait a été exercé, le salarié ait pu penser qu’il existait un tel danger. Cette question est donc à prendre en compte dans l’analyse de la situation avant éventuelle sanction ou retenue sur salaire.

A ce titre, le ministère du travail a publié les 3 premières fiches pratiques précisant les modalités de protection des travailleurs :

https://travail-emploi.gouv.fr/mot/fiches-pratiques-du-droit-du-travail

Ces prescriptions doivent être respectées impérativement sous peine de voir le droit de retrait justifié.

 

Ordonnance portant sur l’article 1226-1 du code du travail (arrêt maladie)

L’indemnité complémentaire mentionnée à l’article L. 1226-1 du Code du travail sera versée, sur justificatif d’un arrêt de travail :

–         aux salariés qui bénéficient d’un arrêt de travail en application des dispositions prises pour l’application de l’article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale, sans condition ;

–         aux salariés en situation d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident sans condition d’exclusion, ce qui inclut les saisonniers, intermittents, temporaires et employés à domicile.

 

Ordonnance pour les demandeurs d’emploi

A compter du 12 mars 2020 et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2020, le droit aux allocations mentionnées aux articles L. 5422-1, L. 5423-1, L. 5424-1, et L. 5424-21 du code du travail (allocations chômage, allocations de solidarité spécifique, etc.), sera prolongé par arrêté du ministre chargé de l’emploi.

 

Ordonnance portant diverses mesures en matière de congés et durée du travail

  1. Congés payés :

un accord d’entreprise, ou à défaut un accord de branche, peut déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur est autorisé, dans la limite de 6 jours et sous réserve d’un délai de prévenance d’un jour franc minimum, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.

L’employeur pourra également, par accord fractionner les congés, ou fixer les dates sans accorder de congés simultanés aux conjoints.

Il est permis de rester dubitatif devant la possibilité de conclure un accord d’entreprise rapidement dans les circonstances actuelles…

L’article L. 3141-16 du code du travail prévoyant la modification de l’ordre des départs en cas de circonstances exceptionnelles pouvait sembler déjà un bon outil. Mais, l’ordonnance semble l’écarter ce qui complique la tâche des entreprises…

  1. Prises des JRTT, jours de repos & jours placés dans le CET

Lorsque l’intérêt de la société le justifie, nonobstant l’existence d’un accord collectif, en respectant un délai d’un jour franc minimum :

– Imposer la prise de JRTT ou jours de repos acquis par le salarié ;

– modifier la date de prise des JRTT ou jours de repos ;

Ce dispositif vise les salariés bénéficiant de JRTT ou les salariés relevant d’une convention de forfait en jours.

L’employeur peut, dans les mêmes conditions, imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps soient utilisés par la prise de jours de repos, dont il détermine les dates.

Le nombre de ces jours ne peut être supérieur à 10.

  1. Durée du travail :

Dans les secteurs d’activités nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret :

–         la durée maximale de travail journalière peut être portée à 12 heures, ainsi que les travailleurs de nuit (qui devront bénéficier d’un repos compensateur égal au dépassement) ;

–         la durée de repos quotidien peut être réduite à 9 heures ;

–         la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives peut être portée à 48 heures ;

–         la durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de douze semaines consécutives à 44 heures.

Pour chacun des secteurs en question, un décret déterminera les catégories de dérogations admises.

Il faudra informer le CSE et la Direccte, sans délai.

  1. Repos dominical

Pour ces entreprises visées par décret, il est également possible de déroger au repos dominical, en l’attribuant par roulement.

Ces ordonnances ne traitent pas la question du chômage partiel qui a fait l’objet d’un Décret du 26 mars 2020.

 

Nous alertons les employeurs sur les difficultés que ne manqueront pas de présenter le projet de décret sur l’activité partielle (chômage partiel).

  1. Le principe du maintien d’activité

Nonobstant le confinement, le gouvernement insiste fortement sur le maintien de l’activité des entreprises et si le télétravail n’est pas envisageable, le maintien du travail sur site.

En effet, aux termes de son FAQ dans sa version du mardi 24 mars disponible sur le site du ministère de l’économie (https://www.economie.gouv.fr/files/files/2020/coronavirus_faq_entreprises.pdf) il est indiqué :

«  Seules sont arrêtées certaines activités (bars, cafés, restaurants, cinémas, centres commerciaux, etc.) qui, parce qu’elles impliquent des regroupements de population, et ne présentent pas un caractère essentiel à la vie de la nation, (…).

Pour les autres secteurs, le principe est la continuité de l’activité, en appliquant les mesures adaptées.

Ces adaptations sont de nature à garantir la protection des salariés, tout en assurant le maintien de l’activité économique, (….)

Le gouvernement appelle donc à la responsabilité de chacun, et demande aux salariés de se rendre sur leurs lieux de travail lorsque le télétravail n’est pas possible. (…)».

En outre :

« Aucune distinction n’a été faite entre les opérateurs d’importance vitale (OIV) et les non-OIV pour qualifier ou non les parties-prenantes à une activité jugée comme essentielle pour le pays. (…) ».

(…) Lorsque le télétravail n’est pas possible, les salariés sont tenus de venir travailler dès lors que l’organisation de l’entreprise respecte les règles de distanciation impératives dans ce contexte de crise sanitaire. (…) »

Dans ces conditions, il est aujourd’hui quasi certain que le dispositif dit de « chômage partiel » ou activité réduite prévu par les articles L. 5122-1 et suivants du code du travail, sera appliqué avec une certaine rigueur par les autorités administratives et pourrait éventuellement ne concerner que les entreprises dites EPR (recevant du public) visées par les arrêtés de fermeture.

D’ores et déjà le gouvernement a communiqué sur le maintien de l’activité dans les entreprises de BTP.

Un décret sera pris dans les tous prochains jours pour réformer le dispositif d’activité partielle.

  1. La mise en œuvre de l’activité partielle dans le cadre de la crise du Covid 19 à compter du 01.03.2020
  • Conditions d’accès au dispositif:

A l’exception des entreprises visées par les arrêtés de fermeture, il est probable que toute demande d’activité partielle fasse l’objet d’un contrôle strict de la Direccte.

En conséquence, l’employeur devra impérativement justifier au moyen d’une note étayée et chiffrée des  raisons pour lesquelles il se voit contraint de demander à bénéficier d’un tel dispositif.

Il devra, comme en matière de licenciement économique, viser la conjoncture, les éventuelles difficultés d’approvisionnement, l’absence de commandes clients, l’absence de paiement des clients etc.

La simple crainte de pertes futures, l’absence de possibilité de fournir des équipements de protection (bien qu’impératifs au regard de l’obligation de santé de l’employeur (https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/covid19_obligations_employeur.pdf ) ne seront probablement pas jugés suffisants.

Ce dispositif est activable de manière dématérialisée sur le site activitepartielle.emploi.gouv.fr.

  • Modalités de mise en œuvre :

Le projet de décret devrait autoriser :

  • le dépôt de la demande dans un délai de 30 jours ;
  • de porter cette durée d’activité partielle à 12 mois éventuellement sur justificatif ;
  • l’envoi du  PV du CSE dans un délai de deux mois à compter de la demande d’autorisation préalable;
  • l’envoi d’une demande unique pour tous les établissements ;
  • le bénéficie de cette mesure pour les salariés en forfait en jours dans le cas d’une réduction d’activité et plus seulement la fermeture de l’établissement.

L’allocation d’activité partielle versée par l’Etat à l’entreprise, cofinancée par l’Etat et l’Unedic, ne serait à l’heure où nous écrivons ces lignes, plus forfaitaire mais proportionnelle à la rémunération des salariés placés en activité partielle : 70% de la rémunération brute du salarié, dans un plafond d’assiette de 4,5 SMIC, avec un minimum de 8,03€ par heure, quel que soit l’effectif de l’entreprise.

Néanmoins d’autres sources d’informations indiquent une prise en charge à 100% et nous pensons que ce serait pour les entreprises dites EPR et visées par l’arrêté de fermeture du 14 mars 2020.

Nous communiquerons les textes ou projets de textes, dès que nous en aurons connaissance.

Il convient de revenir à la prévention, notion fondamentale depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2015 qui redéfinit l’obligation de santé de résultat. (Cass. soc., 25 nov. 2015, nº 14-24.444)

D’aucuns y ont vu une atténuation de cette obligation, mais il nous semble surtout que la Haute Cour déplace les obligations de l’employeur en amont.

Aux termes de cet arrêt elle indique, en effet :

«l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels »

Il appartient donc à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (cf. article L. 4121-1 du Code du travail).

En premier lieu et en cette période de trouble que nous connaissons, cela commande selon nous les actions suivantes :

  • Informer des consignes gouvernementales par voie d’affichage ou communication sur l’intranet de l’entreprise ;
  • rappeler les règles d’hygiène élémentaires par voie d’affichage ou communication sur l’intranet de l’entreprise ;
  • mettre à disposition des solutions hydro-alcooliques (SHA) ainsi que du savon liquide et des serviettes jetables ;
  • informer les salariés sur la situation de pandémie et les risques encourus selon la situation de l’entreprise ;
  • annuler (ou reporter) tout déplacement y compris sur le territoire national a fortiori et de manière impérative dans une zone à haut risque sanitaire ;
  • annuler (ou reporter) tout évènement public d’ampleur, toute participation à une foire salon, colloque, évènements commerciaux collectifs etc. ;
  • favoriser, voire exiger le télétravail si le poste de travail le permet (à ce titre, l’article L. 1222-11 du Code du travail dispose qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment en cas de menace d’épidémie (…) la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement rendu nécessaire.(…) » ; il sera préférable de l’évoquer avec les élus du CSE dans le cadre d’une réunion d’urgence (si nécessaire par visioconférence).

Si la quarantaine est supprimée pour les retours de zones dites à risque à l’étranger (Chine, Iran, Italie, etc.), pour autant,  nous conseillons le confinement systématique des salariés de retour d’un voyage à l’étranger et en l’état actuel, de ceux ayant été amenés à se déplacer où que ce soit.

Si pour ces salariés, le télétravail n’est pas possible, il convient de leur proposer de prendre des JRTT ou des jours de congés.

L’employeur peut également imposer une prise de congés immédiate dès lors que des jours de congés ont été posés par le salarié pour une période ultérieure.

*

S’agissant des postes de production (atelier, usine, etc.) ou exigeant un contact avec le public, que l’on peut exécuter en télétravail, il est impératif de mettre en œuvre des règles élémentaires de protection :

  • fourniture d’équipements (gants, masques, voire blouse, SAH, savon, serviettes à usage unique) ;
  • rappel des règles élémentaires d’hygiène (lavage des mains au moins une fois par heure, absence de contact trop rapproché, etc.) ;
  • fonctionnement en équipes tournantes limitant les contactsentre salariés ;
  • accès restreint aux locaux, réduit aux étages et aux postes de chacun.

*

Si un salarié a présenté des symptômes sur son lieu de travail, il faut lui demander de quitter les locaux et s’il n’est pas en état de le faire par lui-même, appeler immédiatement le 15.

Par la suite, il faudra procéder à la désinfection de son poste de travail (ou bureau) ainsi que de son environnement immédiat (bureaux attenants, espaces communs, intégralité de l’open-space etc.).

*

En cas de demande de confinement par les autorités du salarié et ou de ses enfants, il demeure possible de prendre contact avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) afin qu’un médecin habilité par celle-ci procède à l’établissement d’un avis d’arrêt de travail correspondant à la durée d’isolement préconisée, permettant ainsi l’indemnisation par la caisse primaire d’assurance maladie.

En effet,  selon l’article 1 du décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 :

« En application de l’article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale, afin de limiter la propagation de l’épidémie de 2019-n-Cov, les assurés qui font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et se trouvent dans l’impossibilité de travailler peuvent bénéficier, au titre de cet arrêt de travail, des indemnités journalières prévues aux articles L. 321-1, L. 622-1 du même code et L. 732-4 et L. 742-3 du code rural(…)».

Attention : si  le salarié n’obtient pas cet arrêt de travail  spécifique et que l’employeur exige qu’il reste à son domicile, il devra maintenir le salaire.

 

Confirmant sa jurisprudence antérieure (Cass. soc., 11 déc. 2019, no 19-17298), la Haute Cour nous rappelle aux termes de sa décision publiée au bulletin du 22 janvier 2020 que le seul et l’unique critère à prendre en compte est l’autonomie de gestion :
« le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel (…).
La centralisation de fonctions support ou l’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l’autonomie de gestion des responsables d’établissement ; (…).
Et attendu que le tribunal d’instance a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve fournis par les parties, constaté (…) que s’agissant, d’une part, de l’autonomie budgétaire, chacune de ces stations dispose d’un budget spécifique décidé par le siège sur proposition du chef de station, lequel, au regard de sa fiche de poste, participe à « l’élaboration des budgets de fonctionnement et d’investissement de la station avec le siège », d’autre part, de l’autonomie en matière de gestion du personnel, que le chef de station dispose d’une compétence de « management du personnel social », est garant du respect du règlement intérieur, mène des entretiens individuels de carrière et des entretiens préalables à une éventuelle sanction, peut prononcer des avertissements, et qu’il présidait jusqu’à présent le CHSCT et animait les réunions des délégués du personnel ;
qu’il a pu en déduire que, même si certaines compétences en matière budgétaire et de gestion du personnel étaient centralisées au niveau du siège, les six stations avions constituaient chacune un établissement distinct au sens de la mise en place d’un CSE ; »
(Cass. soc., 22 janv. 2020, nº19-12011)

Décidément, la Cour de cassation entend d’une manière très souple la notion de lien subordination et de la nécessaire correction à adopter dans le cadre de la vie en collectivité.

Un salarié s’est adressé à des collègue, qui se sont plaints, en ces termes : «peut-on répondre à son besoin oui ou non ?», «concernant ma demande je ne vous parle pas d’urgence, je vous demande une réponse dans les meilleurs délais », « le premier bon à tirer qui n’est ni fait ni à faire », « crois-tu que je puisse traiter ce genre de mail ? ».

Il a adopté le même ton envers son supérieur hiérarchique : « je ne sais pas comment vous pouvez écrire de telles calembredaines », « vous êtes très mal informé », « soyez plus visionnaire M. G… », «on est dans la vente de produits techniques pas à la Redoute ».

Pour autant, selon la Cour de cassation, il n’a commis aucun abus dans sa liberté d’expression ses propos n’étant ni «injurieux, diffamatoires ou excessifs ».

Est donc cassé l’arrêt d’appel qui avait jugé bien fondé le licenciement pour faute, considérant que le salarié avait eu un comportement « agressif et critique à l’égard d’autres salariés et des responsables hiérarchiques, provoquant un climat conflictuel et une ambiance délétère.».

Bigre …

(Cass. soc., 15 janvier 2020, n°8-14177)

Une convention de forfait déclarée non valable car l’employeur n’avait pas régularisé sa situation en soumettant au salarié une nouvelle convention individuelle de forfait en jours conforme au nouvel avenant du 1er avril 2016 de la convention collective (HCR), justifie en soi une résiliation judiciaire du contrat de travail.

Aux termes d’un arrêt du 16 octobre 2019, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur en ces termes :
«la cour d’appel, qui a relevé une atteinte aux droits du salarié en ce qui concernait l’organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation faisait peser sur sa vie personnelle a, faisant ressortir que cette atteinte rendait impossible la poursuite du contrat de travail, pu retenir qu’elle constituait un motif suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail (….)».

Aux termes de sa note explicative, la Cour de cassation se réfère exclusivement au fait que l’avenant à l’accord de branche HCR du 1er avril 2016 était antérieur aux dispositions de la loi Travail du 8 août 2016 sécurisant les conventions de forfait en jours.

En effet, elles ne prévoyaient qu’une sécurisation par accord collectif postérieur et dès lors, en présence d’un accord de branche antérieur, la sécurisation était impossible.

Néanmoins, la rédaction générale de l’attendu de rejet interroge, plus particulièrement au regard du pourvoi qui reprochait à la cour d’appel de n’avoir pas recherché « si cette atteinte était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ».

Ainsi, selon les Hauts Magistrats, la mise en œuvre d’une convention de forfait en jours dont les stipulations sont irrégulières au regard des dispositions des articles L. 3121-64 et 65 du Code du travail constitue en soi, un manquement grave à l’exécution du contrat, justifiant la demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.

L’étape suivante sera-t-elle de déclarer qu’une convention de forfait en jours dont la mise en œuvre engendre une charge de travail excessive, ou que l’absence d’entretien annuel sur cette charge de travail et son articulation avec la vie personnelle constituent des manquements graves ?

Lorsque l’on connaît l’aversion de la chambre sociale pour ce mécanisme novateur des lois Aubry, il est permis de craindre le pire….

(Cass. Soc. 16 octobre 2019, n°18-16539)

La Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt particulièrement important du 30 octobre dernier (16/05602, Pôle 6 – 8ème chambre), vient de donner un sérieux coup de pouce au barème MACRON.

En effet, elle a considéré que les nouvelles dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail :

– Sont conformes aux article 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (droit à un procès équitable et droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale en cas de violation des droits et libertés reconnus par la présente convention) ;
– Ne peuvent pas se voir opposer à l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 (texte régulièrement mis en avant par les demandeurs) dans la mesure où il n’a pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ;
– Sont conformes aux articles 20, 21 et 30 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (rappel du principe d’égalité en droit, de la prohibition de toute discrimination, du droit à tous travailleurs à une protection contre un licenciement injustifié) ;
– Surtout, sont conformes à l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), la Cour d’Appel rappelle, en effet, que ce texte est d’application directe en droit interne mais que la mise en place d’un barème n’est pas en soi contraire à ce texte dans la mesure où le Juge français, dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise, garde une marge d’appréciation qui permet de garantir aux salariés « une indemnité adéquate ou une réparation appropriée ».

Cet arrêt va sans doute rassurer les employeurs.

Il a le mérite de trancher clairement en faveur du barème, ce qui n’était totalement le cas des précédentes décisions de Cours d’appel (Cour d’appel de Reims, 25.09.2019, Cour d’Appel de Paris, Pôle 6 – 3ème chambre, 18.10.2019) qui laissaient la possibilité aux Juges, dans certains cas, d’apprécier in concreto le préjudice allégué et donc de s’écarter du barème.

Le ministère de la Justice vient de publier le 19 septembre dernier un rapport analysant l’évolution du contentieux prud’homal entre les années 2004 et 2018 et ce rapport est édifiant.

Il est consultable en ligne directement sur le site du ministère : http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/les-affaires-prudhomales-de-2004-a-2018-32670.html

L’évolution du contentieux du droit du travail constitue un indicateur pertinent d’analyse de l’environnement du travail.

Les idées forces de cette étude longue car portant sur cette période de 2004 à 2018, sont les suivantes :

– une tendance baissière des saisines contentieuses, qui s’accentue à partir de 2016, avec notamment une forte baisse des référés,

– une concentration des litiges sur le contentieux individuel de la rupture non économique,

– des demandeurs de plus en plus âgés, et plus de cadres,

– une concentration géographique des affaires (une minorité de conseils et de cours d’appel traite une part croissante des affaires),

– une augmentation du taux de départage et du nombre de décisions rendues à charge d’appel,

– un taux d’appel qui décroit,

– enfin, des durées de traitement au premier degré comme en appel qui s’allongent.

Bonne lecture !

Les délégués syndicaux et les syndicats d’une société d’intérim reprochaient à leur entreprise de ne pas permettre un accès « permanent » à la BDES conformément à ce que préconisaient selon eux les anciens articles L. 2323-8 et R. 2323-1-2 du code du travail (aujourd’hui articles L. 2312-36  et R. 2312-7 du code) et en l’absence d’accord venant régir cet accès .

La cour d’appel n’avait pas fait droit à leur demande, avec raison selon la cour de cassation :

« La cour d’appel, a constaté, sans inverser la charge de la preuve, qu’au jour où elle statuait, la base de données économiques et sociales avait été mise en place, qu’elle portait sur les années 2014 à 2016 et qu’il n’était pas établi qu’elle soit incomplète, que cette base était accessible soit par informatique pendant les heures de travail à partir de l’adresse IP des agences, soit sur support papier par courrier ou fax sur demande, ce dont elle a pu déduire l’absence de trouble manifestement illicite dès lors qu’était ainsi satisfaite la condition d’accès permanent et utile à la base de données prévue aux articles L. 2323-8 et R.2323-1-7 du code du travail dans leur rédaction alors applicable ; que le moyen n’est pas fondé ».

Le terme « utile » est ici fondamental : les Hauts Magistrats considèrent qu’il convient de raison garder, point n’est besoin d’accorder un accès continu, jour et nuit ce qui par ailleurs ne serait pas toujours possible techniquement. L’essentiel est que la BDES soit accessible durant les heures de travail de tout site de la société, ou que son contenu soit envoyé sur support papier à demande.

(Cass. Soc., 25.09.2019, n°18-15504)