Le gouvernement a présenté aux partenaires sociaux les modifications du régime d’assurance chômage qui devraient entrer en vigueur à compter du 1er juillet 2021, le décret étant encore attendu.

Les principaux éléments de cette réforme sont les suivants :

  • la durée de travail antérieure requise pour bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) est maintenue à 4 mois sur les derniers 24 mois, et ce pour tous les demandeurs d’emploi tant que la situation économique restera aussi problématique.

Si la situation économique s’améliore, le gouvernement envisage de porter cette durée minimale d’activité à 6 mois, comme cela était initialement prévu.

  • Le calcul du salarié journalier de référence tient compte du nombre de jour non travaillé mais en le plafonnant ce qui réduit le montant de l’allocation.
  • la dégressivité de l’allocation concerne les personnes dont la rémunération était supérieure à 4.500 € par mois et devait intervenir à compter du 7ème Ces dispositions ont été supprimées jusqu’à l’amélioration de la situation économique, et au plus tôt interviendront en octobre 2021. D’ici là, un abattement aura lieu au 9ème mois de chômage du demandeur d’emploi.

Nb : cette dégressivité ne concerne que les demandeurs d’emploi âgés de moins de 57 ans.

  • le bonus-malus: les cotisations d’assurance chômage des sociétés de plus de 11 salariés dans 7 secteurs devaient baisser si l’entreprise utilise moins de contrats courts

Le fonctionnement même du bonus-malus ne sera pas modifié mais il ne tiendra compte de la situation de l’emploi au sein de l’entreprise à compter du 1er juillet 2021.

La cotisation modifiée ne sera calculée qu’à partir du mois de septembre 2022.

La mise en œuvre de cette réforme est subordonnée à ce qu’il convient de qualifier de «  retour à meilleure fortune ». Les deux indicateurs principaux retenus pour mesure cette « meilleure fortune » sont : le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A et celui des déclarations préalables à l’embauche.

Par ailleurs, le droit aux allocations pour les démissionnaires ayant un projet professionnel est maintenu.

Le Décret n°2021-756 du 27 janvier 2021 vient d’être publié, signe que le gouvernement tient enfin (un peu) compte du risque aérosol, pourtant très prégnant depuis le début de l’épidémie.

Il énonce qu’en l’absence de port du masque une distanciation de 2 mètres entre les personnes est requise.

Il précise que les masques de protection efficaces appartiennent à l’une des catégories suivantes :

  • les « masques chirurgicaux répondant à la définition de dispositif médicaux (…) »;
  • les «masques de forme chirurgicale importés (…)» répondant à des normes équivalentes;
  • les « masques de classes d’efficacité FFP2 ou FFP3 » à l’exclusion des masques à valve ;
  • les « masques réservés à des usages non sanitaires » soit en tissus, à conditions qu’ils filtrent 90 % des particules de 3 micromètres, qu’ils couvrent le visage et le nez et, s’ils sont réutilisables, conservent leurs niveaux de performance après 5 lavages.

Il est rappelé que le masque doit être mis et enlevé après un lavage des mains de 30 secondes, une fois mis il ne doit faire l’objet d’aucune manipulation, et ils doivent être changés toutes les 4 heures pour les masques chirurgicaux ou toutes les 8 heures pour les masques FFP2 et FFP3.

Il est conseillé aux employeurs de rappeler ces règles dans l’entreprise par affichage et courriel.

 

Les entreprises peuvent réaliser des campagnes de tests collectifs mais dans des conditions relativement strictes quant à la nature des tests et leur mise en œuvre.

  • Quels tests ?

Seuls les tests antigéniques (dits « tests rapides ») sont autorisés et non les PCR ni, bien évidemment, les tests sérologiques.

Les marques de tests rapides autorisés et leurs conditions d’utilisation ont été arrêtées par le ministère de la Santé.

  • Pourquoi ?

La réalisation d’une campagne de tests antigéniques est autorisée à titre exceptionnel et dans l’intérêt de la protection de la santé des salariés.

C’est lorsqu’il y a suspicion d’une contamination au Covid-19 [oui nous refusons de dire ou d’écrire « la » Covid et préférons « le » Covid n’en déplaise à l’Académie] au sein de l’entreprise qu’il est possible de réaliser un dépistage, ou lors de l’apparition d’un foyer, ou encore en cas de circulation du virus très active du virus dans le département de l’établissement.

La valeur prédictive d’un test antigénique négatif étant très faible, il convient de bien se poser la question de l’opportunité de la réalisation d’une campagne de tests et d’inciter les collaborateurs qui se déclareront positifs à réaliser un test PCR, ainsi qu’à s’isoler.

  • Qui ?

Les tests doivent être effectués en priorité sur les personnes symptomatiques, à condition d’être réalisés dans un délai allant jusqu’à quatre jours maximum après le début des symptômes et ils sont utiles pour les « cas contacts ».

Les salariés asymptomatiques sont également éligibles lorsque des professionnels de santé l’estiment nécessaire.

Si le salarié refuse de faire le test, l’employeur ne peut l’y contraindre et aucune sanction ne peut être notifiée à un salarié qui a refusé le test.

  • Comment ?

Les services de l’État ont créé un point de contact dans chaque département, auquel l’employeur s’adressera.

Une déclaration en préfecture doit être réalisée en ligne 2 jours ouvrés avant le début des tests.

Si un foyer de contamination est détecté l’employeur peut débuter les tests dès qu’il a procédé à la déclaration en préfecture.

Bien évidemment, dès lors que des instances représentatives du personnel sont présentes dans l’entreprise, il conviendra de privilégier le dialogue social et les informer sur les conditions de réalisation des tests, en abordant notamment le consentement de chacun, ainsi que le respect du secret médical.

Seul le personnel médical, en lien avec la médecine du travail peut effectuer ces tests.

Les résultats des tests sont couverts par le secret médical et si le salarié peut les révéler à l’employeur, ce dernier ne disposera pas des résultats.

Le professionnel de santé ayant réalisé les tests en transmettra les résultats aux autorités sanitaires.

L’employeur n’est pas autorisé à collecter des données concernant les salariés qui ont accepté ou non de se faire tester, les résultats des tests,  ni à en effectuer un quelconque traitement automatisé ou non de ces données.

Les points suivants sont à souligner :

1. Le télétravail est généralisé pour les activités qui le permettent.

« Dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l’épidémie, il doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance.

Dans les autres cas, l’organisation du travail doit permettre de réduire les déplacements domicile-travail et d’aménager le temps de présence en entreprise pour l’exécution des tâches qui ne peuvent être réalisées en télétravail, et pour réduire les interactions sociales. ».

Pour les salariés en télétravail à 100 %, un retour au bureau est possible un jour par semaine seulement, s’ils le demandent et avec l’accord de leur employeur.

« Pour les activités qui ne peuvent être réalisées en télétravail, l’employeur organise systématiquement un lissage des horaires de départ et d’arrivée du salarié afin de limiter l’affluence aux heures de pointe. (…) ».

Il est rappelé la nécessité d’organiser une gestion des flux tenant compte des arrivées et départ des salariés mais aussi, des clients, fournisseurs et prestataires, en prévoyant l’instauration de plans de circulation de nature à évitant les regroupements de personnes.

2. La tenue des réunions doit avoir lieu à distance, par audio et visio-conférences de préférence, la réunion dite « en présentiel » est à éviter.

3. L’incitation à l’utilisation de l’application « TousAntiCovid ».

L’employeur doit informer le salarié de cette application « TousAntiCovid » et de  l’intérêt de son activation pendant les horaires de travail.

« L’objectif est de limiter le risque d’affluence, de croisement (flux de personnes) et de concentration (densité) des personnels et des clients afin de faciliter le respect de la distanciation physique. »

4. Points de vigilance :

– utilisation de vestiaires assurant une distanciation physique suffisante (1 mètre dans le protocole, mais selon nous au regard du risque aérosol une distance de 2 mètres est préférable) ;

– suspension des moments de convivialité dans le cadre professionnel ;

– aération régulière des lieux de travail et d’accueil.

5. La protection des personnes à risque de forme grave de Covid.

Les « personnes vulnérables » identifiées aux termes du Décret n°2020-1365 du 10 novembre 2020 comme étant à risque de formes graves de Covid-19 sont les suivantes :

– les personnes âgées de 65 ans et plus ;

– les personnes ayant des antécédents cardiovasculaires, ayant un diabète non équilibré, en obésité (IMC>30), atteintes d’une immunodépression congénitale ou acquise, celles atteintes d’une maladie complexe (motoneurone, myasthénie, sclérose en plaque, maladie de Parkinson etc.) ou d’une maladie rare ;

– les femmes au troisième trimestre de leur grossesse.

Pour ces salariés l’entreprise doit :

  •  organiser leur télétravail ;
  •  si le télétravail n’est pas envisageable, elle devra, mettre en place des mesures de protection renforcées :

–       bureau individuel ou limitation du risque (ex : écran de protection, aménagement des horaires, aération, contrôle du taux de CO2 etc.) ;

–       vigilance particulière quant au respect des gestes barrière et port d’un masque de type chirurgical ; selon nous port de masque de type FFP2 et distanciation de 2 mètres minimum ;

–       absence, ou à défaut limitation du partage du poste de travail et nettoyage et désinfection de ce dernier au moins en début et en fin de poste ;

–       mode de déplacement domicile/travail favorisant le respect des gestes barrières, pouvant notamment s’appuyer sur une adaptation des horaires d’arrivée et de départ ;

–       mise à disposition de masques de type chirurgical y compris pour les transports et selon nous d’un masque de type FFP2.

  • Principe

Parmi les dispositifs d’adaptation des entreprises aux conséquences économiques de la crise sanitaire figuraient jusqu’à présent les PSE classiques, les ruptures conventionnelles collectives, ou encore les accords de performance collective, ces derniers ayant, par ailleurs, fort mauvaise réputation.

L’article 53 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 et son décret d’application n°2020-926 du 28 juillet 2020 instaure l’Accord d’Activité Partielle de Longue Durée ou APLD, anciennement dénommé «activité réduite pour le maintien en emploi ».

Pour aider les entreprises, le ministère du travail a publié sur son site internet un « Questions-Réponses » daté du 5 août 2020 : https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/relance-activite/apld

Les entreprises peuvent dorénavant conclure un accord validé par le Direccte, ou élaborer un document unilatéral homologué par le Direccte, afin d’instaurer l’activité partielle en réduisant la durée du travail de leurs salariés, contre l’engagement de ne pas les licencier.

Le salarié perçoit une indemnité et l’employeur une allocation de l’Etat.

Il n’y a pas de critère spécifique pour les entreprises voulant mettre en place ce procédé, elles doivent seulement être confrontée à une baisse d’activité durable.

  • Contenu

L’accord, dont le préambule devra être particulièrement soigné et argumenté sur la situation économique de l’entreprise, doit définir :

–  la date de début et la durée d’application du dispositif ;

–  les activités et salariés auxquels s’applique ce dispositif ;

–  la réduction maximale de l’horaire de travail en deçà de la durée légale ;

– les engagements pris par l’entreprise en matière d’emploi et de formation professionnelle ;

– les modalités d’information des organisations syndicales et des institutions représentatives du personnel.

Il peut prévoir, en outre :

-des engagements spécifiques de l’employeur (efforts des dirigeants et actionnaires proportionnels aux efforts consentis par les salariés) ;

-les conditions dans lesquelles les salariés prennent leurs congés payés et utilisent leur compte personnel de formation, avant ou pendant la mise en œuvre du dispositif ;

-les moyens de suivi de l’accord par les organisations syndicales.

La réduction de la durée du travail ne peut être supérieure à 40% de la durée légale soit 35 heures. Exceptionnellement, l’entreprise peut porter la réduction à 50 % en raison de la situation de l’entreprise, si l’accord collectif le prévoit et après décision du Direccte.

 Les salariés concernés perçoivent une indemnité horaire de l’employeur, correspondant à 70 % de leur rémunération brute servant d’assiette à l’indemnité de congés payés (calculée sur la base de la règle du maintien de salaire) ramenée à un montant horaires sur la base de la durée légale du travail dans l’entreprise (ce taux horaire ne peut être inférieur à 7,23 €).

La rémunération maximale prise en compte pour le calcul de l’indemnité horaire est égale à 4,5 fois le taux horaire du Smic.

L’employeur reçoit une allocation équivalent à une part de la rémunération horaire brute du salarié placé en APLD :
60 % de la rémunération horaire brute (limitée à 4,5 fois le taux horaire Smic) pour les demandes transmises au Direccte avant le 1er octobre 2020 ;

– 56 % de cette rémunération pour les accords transmis après cette date au Direccte.

  • durée

La durée d’autorisation est donnée pour une période de 6 mois renouvelables, pour une durée totale de 24 mois.

A chaque échéance de 6 mois, l’employeur fournit au Direccte un bilan portant sur le respect des engagements pris et du contenu de l’accord ainsi qu’un d’un diagnostic actualisé de la situation économique et des perspectives d’activité de la société et bien sûr, du procès-verbal du CSE portant sur la mise en œuvre de l’accord.

  • modalités pratiques

Après la signature de l’accord ou l’établissement du document unilatéral, la demande de validation ou d’homologation est adressée par « voie dématérialisée dans les conditions fixées par l’article R. 5122-26 du code du travail ».

La décision  est aussi notifiée par voie dématérialisée.

Le silence de l’administration vaut acceptation.

En cas de non-respect de l’accord, l’entreprise sera tenue de rembourser les sommes versées par l’Etat.

Ordonnance TJ Nanterre, 14 avr. 2020, Union syndicale Solidaires c. Amazon France logistique RG 20/00503

Après l’ordonnance du tribunal judiciaire de Paris du 9 avril 2020, commentée ici,  le juge des référés de Nanterre est venu rappeler aux entreprises leurs obligations en matière d’hygiène et de sécurité, ainsi que de protection de la santé des salariés dans le cadre de la pandémie Covid-19.

La décision est sur le plan du droit très contestable. Le juge des référés a empiété sur le pouvoir de direction de l’employeur, afin d’obtenir le résultat escompté : la protection des salariés. 

Le juge a obligé la société Amazon à de limiter son activité aux seules commandes de produits alimentaires, médicaux et d’hygiène, tant qu’elle n’aura pas apprécié correctement les risques auxquels sont exposés ses salariés, du fait de la pandémie Covid-19. Prise de court, a fermé ses entrepôts français jusqu’au 20 avril 2020 pour effectuer cette évaluation.

Si l’on met à part la violation du principe de libre entreprise, le jugement est riche d’enseignement sur le fond.

A l’instar de la décision du TJ de Paris du 9 avril 2020, le juge des référés de Nanterre a rappelé, en premier lieu, les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité des travailleurs (C. trav., art. L. 4121–1), ainsi que d’évaluation des risques et de mise à jour du DUER concernant ces risques créés par l’épidémie de Covid 19 (C. trav., art. L. 4121- 3 et R. 4121-1 à 4), évaluation à laquelle doivent être associés les représentants du personnel.

Il a souligné, en second lieu, que l’employeur doit prendre des mesures concrètes et s’assurer que « les règles de distanciation et les gestes barrière sont effectivement respectés au sein de l’entreprise ».

Après avoir constaté que les instances représentatives du personnel n’avaient pas été associées à l’évaluation des risques que la direction de la société Amazon indiquait avoir menée, le tribunal a examiné concrètement les risques de contamination présents au sein des entrepôts de la société.

S’il a considéré que les mesures permettant le recensement des salariés suspectés ou porteurs du virus, ainsi que les actions à mener lorsque de tels cas surviennent, étaient suffisantes, il n’en est pas de même pour les risques de contamination dans les situations suivantes :

–         le maintien d’un portique tournant à l’entrée des centres de distribution obligeait les salariés à le pousser et a créé des files d’attente de centaines de salariés, de sorte que les règles de distanciation, ainsi que la fourniture de SHA ne suffisent pas à garantir l’absence de contamination ;

–         l’utilisation des vestiaires était également source de danger, malgré des moyens de désinfection mis à disposition et la présence « d’ambassadeurs d’hygiène » (sic), car « les salariés déposent leurs manteaux les uns à côté des autres sur des rambardes à proximité de leur poste de travail génère de nouveaux risques de contamination » et le vestiaire du service de maintenance était exigu.

–         S’agissant des plans de prévention avec les entreprises extérieures (nettoyage, restauration, maintenance, transporteurs, etc.), « si des mesures ont été prises et que l’organisation du travail a été constamment modifiée, pour répondre à l’évolution de la situation », aucun protocole de sécurité n’avait été formalisé, il n’est pas justifié de tous les plans de prévention. En outre, les changements (épars selon les établissements) avaient été opérés sans concertation des représentants du personnel et n’avaient pas été portés de manière appropriée à la connaissance du personnel ;

–         enfin concernant les « risques liés à la manipulation des colis qui passent de main en main », alors qu’une étude indiquait que sur certains supports le virus peut subsister durant 24 heures, le juge, après avoir relevé que « le risque de contamination tenant aux manipulations successives des objets depuis la réception dans les établissements à la livraison par les chauffeurs », n’avait pas fait l’objet d’une évaluation dans le DUER, a considéré que « le seul fait d’affirmer que les gestes barrières permettent une protection efficace ne répond pas à l’obligation d’évaluer préalablement les risques avant de définir les mesures de sécurité et de prévention nécessaires ».

Se référant à l’article L.4121- 1 précité, le Tribunal a relevé que si des mesures d’information et de communication ont été prises par la société, celle-ci peinait à justifier d’une formation renforcée à l’attention des salariés (par exemple une formation sur l’utilisation des gants, pourtant vecteurs de contamination s’ils sont mal utilisés).

De manière générale, le juge a noté à plusieurs reprises que la société ne justifiait pas des mesures, communications et audits qu’elle avançait et qu’elle procédait avant tout par voie d’affirmations.

En conséquence, l’évaluation des risques effectuée par AMAZON est jugée « insuffisante et la qualité de celle-ci ne garantit pas une mise en œuvre permettant une maîtrise appropriée des risques spécifiques à cette situation exceptionnelle ».

Dès lors, la société Amazon avait « de façon évidente, méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé de ses salariés, ce qui constitue un trouble manifestement illicite » ,ainsi qu’un « dommage imminent constitué par la contamination d’un plus grand nombre de salariés et par suite la propagation du virus à de nouvelles personnes. (…)».

 Cette décision est à comparer avec celle rendue à l’encontre de la Poste le 9 avril dernier aux termes de laquelle était rappelé les très nombreuses mesures effectives et concrètes mises en œuvre par l’employeurainsi que les nombreuses réunions avec les élus, de sorte que les demandes des organisations syndicales avaient été pour l’essentiel rejetées.

Il faut donc rappeler aux employeurs la nécessité de :

–         faire preuve d’une extrême vigilance dans le maintien de l’activité ;

–         procéder, en collaboration étroite avec les IRP à  une  évaluation préalable et régulière des risques ;

–         formaliser et mettre à jour régulièrement les DUER en concertation avec les IRP ;

–         prévoir et mettre œuvre des mesures concrètes et efficaces pour éviter tout risque de contamination, en insistant sur la communication, l’information et la formation du personnel.

La suite devant la cour d’appel de Versailles….

Ordonnance TJ Paris du 9.04.2020 – RG n°20/52223 – Fédération Sud / La Poste

LA FEDERATION SUD des activités postales et des télécommunications a saisi le président du Tribunal Judiciaire de Paris dans le cadre d’une procédure de référé d’heure à heure, estimant que les mesures mises en œuvre par LA POSTE dans le cadre de à l’épidémie de Covid-19 étaient insuffisantes.

Le syndicat formait principalement deux demandes :

–      d’une part, que LA POSTE soit contrainte de mettre en œuvre une évaluation des risques professionnels liés à l’épidémie de Covid-19, afin notamment d’appréhender les activités postales essentielles à la vie de la Nation ainsi que leurs les conditions d’exercice, les impacts liés à l’arrivée de volontaires du groupe ou des salariés recrutés en CDD, les cas de contamination, les risques psychosociaux encourus ;

–       d’autre part, au regard des résultats de cette évaluation des risques professionnels, qu’il soit ordonné à LA POSTE de mettre en œuvre les gestes barrières et les moyens de protection adaptés et de convoquer une instance nationale de concertation pour présenter aux organisations syndicales les résultats de l’évaluation des risques.

L’ordonnance est rendue sur le fondement des articles L. 4121-1, 2 et 3 du Code du travail relatifs à l’obligation de prévention et de santé de l’employeur, ainsi qu’à l’évaluation des risques. Elle vise également l’article R. 4121 –1 relatif à la mise à jour du Document Unique d’Evaluation des Risques (DUER).

Le juge des référés a d’abord rappelé que c’est au regard de ces dispositions qu’il convenait d’évaluer le dispositif mis en place par la POSTE dans le cadre de la crise épidémie actuelle et ce, de manière «factuelle».

Il a souligné que cette situation de crise sanitaire est constitutive pour tout employeur d’une « obligation impérieuse (….) de modifier de manière complémentaire et exceptionnelle ses obligations générales d’appréhension des risques professionnels. » pour l’ensemble des unités de travail qu’il maintient en activité.

Il en résulte « une obligation distincte et additionnelle d’évaluation des risques » spécifique à cette épidémie.

En cas de manquement de l’employeur à cette obligation spécifique, le trouble manifestement illicite et le dommage imminent seront parfaitement constitués et objectivés et l’employeur pourra dès lors recevoir l’injonction judiciaire de s’y conformer sans délai.

En l’espèce, le juge a estimé que l’ensemble des mesures prises par LA POSTE visant notamment à la fourniture de matériel d’hygiène (SHA, masques aux agents symptomatiques et en contact avec le public, accès points d’eau savon) et organisationnelles (strict respect gestes barrières avec affichage, fermeture des activités non essentielles, interdiction des déplacements professionnels, mesures dérogatoires pour éviter les contacts lors de la distribution des courriers, télétravail dès que cela est possible, service d’écoute et de soutien psychologique, etc.).

Il a considéré, nonobstant l’existence d’incidents ponctuels, que ces mesures apparaissent « suffisamment substantielles, variées et concrètes tout en se montrant aisément adaptées et déclinables aux divers échelons locaux et en s’insérant dans le cadre légal spécifique de l’obligation de santé de sécurité. », LA POSTE ayant adopté l’ensemble des mesures de précaution et de prévention, en se concertant avec le CHSCT ou la CNSST.

La FEDERATION SUD ne justifie donc pas d’un trouble manifestement illicite ou d’un risque de dommage imminent.

Néanmoins et se référant à la note de l’ANACT du 23 mars 2020 ainsi que celle de la DGT du 30 mars 2020, le juge a ensuite rappelé que LA POSTE est également tenue d’une obligation d’information de l’ensemble de ses personnels et à cette fin doit établir une DUER.

Il constate qu’aucun document de ce type n’existe encore au sein du groupe LA POSTE, 4 semaines après la survenance du confinement et que le document « questions-réponses » élaboré par la direction des ressources humaines, ou son annexe, ne suffisent pas.

Le juge a donc fait droit à la demande de la FEDERATION SUD au titre de « cette obligation spécifique de l’employeur aux fins d’information écrite des personnels sur les évaluations effectuées et les préconisations », à l’exception du recensement des cas de Covid-19.

En résumé :

–       l’employeur est tenu d’une obligation distincte et additionnelle d’évaluation des risques ;

–       la DUER doit impérativement être complétée après cette évaluation ;

–       des mesures concrètes de protection doivent être prises lorsque l’activité est maintenue ;

–      les élus de la CSST ont un rôle essentiel et doivent se voir communiquer le DUER complété

Activités des services de santé au travail – Ordonnance 2020-386 du 1er avril 2020

  • Arrêts maladie et tests

Les prérogatives des médecins du travail sont modifiées et par dérogation à leurs attributions, ces derniers peuvent

-prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au Covid 19 ;

-procéder à des tests de dépistage de Covid 19.

  • Visites médicales

Depuis le 12 mars, les visites médicales dans le cadre du suivi de la santé des salariés seront reportées, sauf lorsque le médecin du travail l’estime indispensable en raison de la santé du travailleur ou des caractéristiques du poste de travail.

Le report de la visite n’interdit pas, le cas échéant, l’embauche ou la reprise du travail.

Cette disposition ne manquera pas de causer d’éventuelles difficultés au regard de l’état de santé des salariés.

Les visites seront reprogrammées pour se tenir d’ici la fin de l’année.

Les travailleurs handicapés (suivi « adapté »), les travailleurs de nuit et les travailleurs en suivi individuel renforcé devraient voir leur situation traitée par un décret.

Les salariés des entreprises exerçant une activité nécessaire à la vie de la nation devraient bénéficier du maintien des visites de toute nature.

  • Interventions en entreprise

Les interventions dans les entreprises sont reportées ou aménagées, sauf lorsqu’elles sont en rapport avec l’épidémie de Covid-19 ou que les risques de la santé des travailleurs le nécessitent.

 

IRP dans les entreprises de moins de onze salariés et prorogation des mandats des conseillers prud’hommes – Ordonnance n° 2020-388 du 1er avril 2020 

 Elections

Dans les entreprises de moins de 11 salariés, le scrutin pour mesurer l’audience syndicale est reporté au premier semestre de l’année 2021.

Sont électeurs au scrutin les salariés de ces entreprises au 31 décembre 2019, âgé de 16 ans et ne faisant l’objet d’aucune interdiction ou de déchéance.

  • Mandats des conseillers prud’hommes

La date du prochain renouvellement général des conseils de prud’hommes est fixée par arrêté au plus tard le 31 décembre 2022.

Les employeurs accordent aux salariés de leur entreprise, membres d’un conseil de prud’hommes, sur leur demande et pour les besoins de leur formation continue, des autorisations d’absence dans la limite de six jours par an.

 

Mesures d’urgence relatives aux IRP – Ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020

  • Elections dans les entreprises de plus de 11 salariés

Lorsqu’un processus électoral a été engagé, il est suspendu à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à 3 mois après la date de l‘état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 août 2020 (fin de l’état d’urgence : 24 mai).

Lorsqu’elle intervient entre la date du premier tour et la date du second tour des élections professionnelles, la suspension du processus électoral n’a pas d’incidence sur la régularité du premier tour.

Cette suspension affecte l’ensemble du processus électoral quel que soit son stade, les délais dans lesquels l’administration doit se prononcer, ainsi que les délais de recours.

Lorsque l’administration :

  • a été saisie après le 12 mars, le délai dont elle dispose pour se prononcer commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral visé ci-dessus soit fin de l’état d’urgence + 3 mois ;
  • s’est prononcée après le 12 mars le délai de recours commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral visé ci-dessus soit fin de l’état d’urgence + 3 mois.

Les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date d’organisation de chacun des tours du scrutin.

Lorsqu’aucun processus électoral n’a été engagé, l’employeur met en œuvre les élections dans les 3 mois de la cessation de l’état d’urgence sanitaire si :

–  il devait le faire entre le 03.04 date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2020-389  et la fin de l’état d’urgence

ou

– il devait le faire avant l’entrée en vigueur de l’état d’urgence.

  • Mandats des IRP

Compte tenu de la suspension ou du report des élections, les mandats en cours à la date du 12 mars 2020 des représentants élus sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des prochaines élections professionnelles.

La protection attachée aux mandats est également prorogée.

Lorsque le mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique expire moins de six mois après la date de fin de la suspension du processus électoral tel que prorogé, il n’y a pas lieu à l’organisation d’élections partielles.

  • Tenue des réunions et PV

Le recours à la visioconférence est autorisé pour l’ensemble des réunions du comité social et économique et du comité social et économique central,  après information par l’employeur.

La limite de 3 réunions par an ne s’applique plus et pour le moment, en l’absence de décret modificatif, la mise en œuvre de la vision conférence se fait dans le respect de l’article D. 2315-1 du Code du Travail.

Aux termes de cet article, lorsque le comité social et économique est réuni en visioconférence, le dispositif technique mis en œuvre garantit l’identification des membres du comité et leur participation effective, en assurant la retransmission continue et simultanée du son et de l’image des délibérations.

A défaut, le recours à la conférence téléphonique est également autorisé, après information par l’employeur.

Le « recours à la messagerie instantanée » est autorisé pour l’ensemble des réunions des IRP, après information de leurs membres, subsidiairement s’il est impossible pour eux de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique ou lorsqu’un accord d’entreprise le prévoit.

En cas de visio-conférence, il est possible de voter à mainlevée, ce qui est le cas pour la plupart des avis rendus par le CSE.

Pour les votes à bulletins secret, il convient de référer à l’article D.2315-1 précité selon lequel le dispositif de vote doit garantir que l’identité de l’électeur ne peut à aucun moment être mise en relation avec l’expression de son vote.

Lorsque ce vote est organisé par voie électronique, le système retenu doit assurer la confidentialité des données transmises ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes.

En vertu de l’article D.2315-2 du code, la procédure se déroule conformément aux étapes suivantes :

  • L’engagement des délibérations est subordonné à la vérification que l’ensemble des membres a accès à des moyens techniques satisfaisant aux conditions prévues à l’article D. 2315-1 ;
  • Le vote a lieu de manière simultanée. A cette fin, les participants disposent d’une durée identique pour voter à compter de l’ouverture des opérations de vote indiquée par le président du comité.

Dans ce cas, il est donc nécessaire de faire appel à un prestataire de vote électronique, ce qui n’est pas neutre en termes de coût.

 

Parmi les 25 ordonnances adoptées le 25 mars 2020, l’ordonnance 2020- 306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période semble s’appliquer à la matière sociale et notamment aux procédures devant le Conseil de prud’hommes et les juridictions sociales ainsi qu’à la prescription de contestation des licenciements.

1 – Mesures générales relatives à la prorogation des délais en matière civile (titre 1er)

L’article 1er de l’ordonnance institue une « période juridiquement protégée » (qualifiée ainsi par la circulaire du 30 mars 2020 prise en application de cette ordonnance) entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 juin 2020.

L’article 2  précise que si durant cette période [12/03/2020 – 24/06/2020], « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque » aurait dû être accompli, il sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit nous dit l’ordonnance.

Ainsi, il existe un délai qui ne peut en aucun cas être dépassé, c’est celui du 24 août 2020 (deux mois après la fin de la période juridiquement protégée).

L’ordonnance prévoit donc une prorogation des délais notamment procéduraux en matière civile :

Ainsi et pour exemples :

  • si le délai d’appel d’un jugement au fond expire le 15 avril 2020, la partie intéressée dispose d’un délai qui expirera le 24 juillet 2020 (un mois (délai d’appel traditionnel d’un mois) décompté à compter du 24 juin) ;
  • Si le délai d’appel d’une ordonnance de référé expire le 15 avril 2020, la partie intéressée dispose d’un délai qui expirera le 9 juillet 2020 (15 jours (délai d’appel traditionnel de 15 jours) décomptés à compter du 24 juin) ;
  • Si l’appelant a interjeté appel d’un jugement au fond le 2 mars 2020, il doit au plus tard régulariser ses conclusions le 24 août 2020 au lieu du 2 juin 2020 (3 mois après la déclaration d’appel) ;

Il est préférable toutefois, pour éviter toute difficulté, de régulariser les actes sans attendre l’expiration du délai supplémentaire celui « pouvant le plus pouvant le moins ».

  • Un salarié a fait l’objet d’un licenciement par lettre du 15 avril 2019 ; en principe, il dispose d’un délai qui expire le 15 avril 2020 pour contester la mesure de licenciement. En application de l’ordonnance, ce délai est reporté au 25 août 2020.

Une ambigüité demeure sur l’étendue de l’article 2 rédigé de la manière la plus large qui soit.

Quid des différents délais institués par le code du travail, par exemple pour informer l’employeur d’un refus de modification de poste pour motif économique ou de la durée du travail en application d’un accord de performance collective ? Ou encore quid du délai de rétraction de 15 jours calendaires dont bénéficient les parties en matière de rupture conventionnelle ?

La rédaction de l’ordonnance « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification », rendue au visa du Code de procédure civile dont l’article 749 précise qu’il s’applique à toutes les juridictions et la computation de ces délais dans les règles des articles 640 et suivants du même code, laisse à penser qu’elle pourrait s’appliquer à ces cas.

Néanmoins une vision extensive aurait pour conséquence de paralyser les employeurs.

Le débat fait rage et, interrogée, l’administration devrait rapidement communiquer des précisions.

2 – Dispositions particulières et question de la rupture conventionnelle (titre 2)

Le titre II de l’ordonnance, consacré aux délais administratifs, prévoit en son Article 6, qu’il s’applique notamment aux « administrations de l’Etat », que peuvent être par exemple les DIRRECTE.

L’article 7 précise, quant à lui, que :

« Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er. »
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.

(…) ».

Que comprendre de ce texte en matière de rupture conventionnelle ? Est-elle concernée par ces dispositions ?

Selon nous, la rédaction de l’article 7 semble s’appliquer aux demandes d’homologation (ou d’autorisation pour les salariés protégés) de ruptures conventionnelles adressées à la DIRRECTE.

On sait qu’en principe, le silence durant 15 jours ouvrables de l’administration à compter de la réception de la demande vaut homologation et que le contrat de travail est rompu, au plus tôt, le lendemain.

Les DIRRECTE pourraient considérer que le délai d’homologation est prorogé jusqu’au 24 juin 2020 (fin de la période juridiquement protégée) et que ce n’est qu’à cette date, si elle ne s’est pas prononcée de manière explicite, que son silence vaudrait homologation.

Dans ce cas, il existe un risque que les DIRRECTE refusent d’homologuer des RC déjà signées qui ont prévu une date de rupture du contrat à l’expiration du délai de 15 jours ouvrables traditionnels.

Exemple : une RC signée en mars 2020, a prévu une date de rupture du contrat au 15 avril 2020. La DIRRECTE pourrait refuser, de manière explicite, d’homologuer la rupture.

Autre hypothèse, elle pourrait considérer que le délai d’homologation étant prorogé, la rupture du contrat ne saurait avoir lieu à l’issue du délai de 15 jours et l’employeur sera contraint de maintenir le salarié dans ses effectifs.

Pour l’avenir, et compte-tenu de l’incertitude, nous conseillons donc à nos clients souhaitant signer des ruptures conventionnelles de prévoir au plus tôt une date de fin de contrat au 25 juin 2020.

Vigilance donc, les textes adoptés en en période de circonstances exceptionnelles et donc dans l’urgence étant souvent difficiles à appréhender.