Pour la première fois, la Cour de cassation se prononce sur l’admissibilité d’une preuve recueillie de manière anonyme.

Aux termes d’une décision du 4 juillet 2018 elle a jugé qu’un témoignage anonyme ne suffit pas pour prouver une faute invoquée à l’appui d’un licenciement.

Au visa de l’article 6 § 1 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Haute juridiction donne gain de cause au salarié dont le licenciement était fondé sur un document non signé, ne mentionnant pas l’identité de ses auteurs et dont les témoignages y figurant étaient anonymes :

« Attendu que le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes ;

Attendu que pour dire que la procédure de licenciement est régulière et le licenciement justifié, la cour d’appel, après avoir retenu que l’atteinte aux droits de la défense fondée sur le caractère anonyme des témoignages recueillis par la direction de l’éthique n’est pas justifiée dans la mesure où le salarié a eu la possibilité d’en prendre connaissance et de présenter ses observations, s’est fondée de manière déterminante sur le rapport de la direction de l’éthique;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

(Soc., 4 juillet 2018 n°17-18.241)

Autrement dit, un témoignage anonyme doit être corroboré par d’autres éléments probatoires pour emporter la conviction du juge.

L’impact de cette décision, publiée au bulletin, ne doit pas être négligé, notamment dans le contentieux du harcèlement moral ou sexuel.

En effet, en cas de déclaration de faits de harcèlement, l’employeur est tenu, si la situation l’exige, de procéder à une enquête.

Désormais, pour établir la faute du salarié « harceleur », l’employeur devra veiller à ce que les salariés qui témoignent au cours de cette enquête soient clairement identifiés.

La suppression des Tribunaux des Affaires de la Sécurité Sociale et des Tribunaux du Contentieux de l’Incapacité a été organisée par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 et par l’ordonnance n°2018-358 du 16 mai 2018.

Ces textes ont créé au sein de certains Tribunaux de Grande Instance des Pôles Sociaux spécialement désignés pour connaître de ces contentieux. Il en sera de même en cause d’appel, certaines Cours désignées se verront attribuer ce contentieux général et ce contentieux technique. En appel, ces contentieux relèveront de la procédure écrite de droit commun.

En application de cette réforme procédurale d’importance, un décret n°2018-772 du 4 septembre 2018 désigne le nombre de 116 T.G.I. et de 28 Cour d’appel qui seront compétents pour connaître de ces deux contentieux.

Le lien pour découvrir ces juridictions est ici : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000037367894

La Cour de cassation persiste et signe : contre toute logique économique, une entreprise ne rencontrant pas de difficultés économiques, ne se trouvant pas devant la nécessité de sauvegarder sa compétitivité, sera empêchée d’améliorer son activité, de réorganiser un département de production pour une meilleure optimisation ou déménager son siège ou un quelconque service à fin de rationaliser ses coûts et ainsi se développer (ce qui permet la création d’emplois ….).

Il est légitime de s’interroger sur une telle jurisprudence, entrave certaine au bon fonctionnement des entreprises et à l’investissement étranger en France, elle nous semble révélatrice de l’absence de connaissance du monde économique par les magistrats dont la formation certes d’un très haut niveau juridique, méconnaît totalement cet aspect.

Aux termes d’une décision du 11 juillet 2018, les Hauts magistrats ont jugé : « Qu’en statuant comme elle a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l’employeur de réorganiser le service financier de l’entreprise et qu’il n’était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». (Soc., 11 juillet 2018 n°17-12747)

La Cour de cassation entend se créer de nouvelles missions

Un projet est à l’étude à la chancellerie dont il faut s’émouvoir tant il comporte des risques.

La Cour de cassation souhaite mettre en œuvre le filtrage des pourvois afin de rendre moins d’arrêts et s’octroyer un rôle quasi législatif qui n’est pas le sien. Bertrand Louvel, Président de la Cour de cassation l’a rappelé dans le cadre de la conférence de presse du 6 juillet 2018.  Dans ce projet, le pourvoi ne serait examiné que s’il soulève une question de principe présentant un intérêt juridique, ou présentant un intérêt pour l’unification de la jurisprudence ou encore, si est en cause une atteinte grave à un droit fondamental. Le pourvoi contre l’arrêt de cour d’appel présentant une erreur de droit ou de qualification mais somme toute banal serait donc rejeté. Le justiciable est décidément peu pris en compte…. Quant la justice, rien n’est moins sûr qu’elle y trouve son compte …. À lire cette excellente chronique parue dans Les Échos : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0301965984892-non-a-la-transformation-de-la-cour-de-cassation-en-cour-supreme-2193211.php

 Parachevant sa construction jurisprudentielle tendant à la réduction du champ de l’égalité de traitement, la Cour de cassation s’attache à la situation des salariés selon qu’ils ont été embauchés avant ou après l’entrée en vigueur d’un accord de substitution (conclu après dénonciation d’un précédent accord collectif) :

« Mais attendu que les salariés engagés postérieurement à l’entrée en vigueur d’un accord de substitution ne peuvent revendiquer, au titre du principe d’égalité de traitement, le bénéfice des dispositions prévues par l’accord collectif antérieur ;

Et attendu que la cour d’appel, qui a relevé que l’intéressé avait été engagé postérieurement à l’accord de 1998, qui s’était substitué à l’ancien accord, et qu’il ne pouvait, en conséquence, revendiquer l’application de l’ancien accord du 10 mai 1988, a, par ses seuls motifs, légalement justifié sa décision (…) » (Soc. 28 juin 2018 n°17-16499)

 

 

 

La Cour de cassation confirme son appréciation relativement souple du pouvoir de licencier dans le cadre d’un groupe de sociétés. Ainsi dans une décision du 13 juin 2018, elle considère, conformément à une jurisprudence relativement constante, que le directeur du personnel d’une société mère est en droit de licencier les salariés de filiales sans qu’il soit nécessaire d’ailleurs de lui avoir consenti une délégation de pouvoirs par écrit. Le directeur général ou du personnel de la société mère, dès lors qu’il exerce des prérogatives habituelles dans la gestion du personnel des filiales, caractérise l’existence d’un mandat tacite. Cette souplesse est la bienvenue. (Cass. Soc., 13 juin 2018 n°16-23701)

 

Il a toujours été exigé que l’entreprise informe le salarié des motifs économique présidant à la rupture avant l’acceptation du Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui matérialise la rupture du contrat. Il était en général adressé une note au salarié avec la convocation à l’entretien préalable, ou lors de ce dernier.

La Cour assouplit sa jurisprudence sur ce point, ce qu’il faut saluer, tant elle a par ailleurs une lecture formelle de ce mode de rupture.

En l’espèce, le salarié avait été convoqué par lettre du 13 janvier 2014 à un entretien préalable fixé au 23 janvier 2014  et a adressé le jour même le bulletin d’acceptation du CSP.  Il avait reçu le 25 janvier une lettre l’informant des motifs économiques. Il avait saisi le conseil de prud’hommes et la cour de Versailles avait fait droit à sa demande.

Sur pourvoi, la Cour de cassation a estimé « que le courrier électronique adressé au salarié le 26 novembre 2013, comportant le compte-rendu de la réunion avec le délégué du personnel du 25 novembre 2013 relative au licenciement pour motif économique envisagé, énonçait les difficultés économiques invoquées ainsi que les postes supprimés, dont celui de l’intéressé, ce dont il résulte que l’employeur avait satisfait à son obligation d’informer le salarié, avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, du motif économique de la rupture (…) » (Cass soc 13 juin 2018 n°16-17865)