Santé au travail : ce qui change au 31 mars 2022

La loi n°2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail transpose l’accord national interprofessionnel conclu le 9 décembre 2020 par les partenaires sociaux et entre en vigueur le 31 mars 2022, après adoption du décret n°2022-395 du 18 mars 2022.

Voici les modifications plus importantes :

  1. Le nouveau régime du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)

(art. L. 4121-3 et L. 4121-3-1 du C. Trav.) 

  • Contenu

Selon le nouvel article L 4321-3-1 du Code du travail le DUERP « répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions».

« L’employeur transcrit et met à jour dans le document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3 ».

  • La mise à jour annuelle est obligatoire

 a) Pour toute entreprise de plus de 11 salariés ;

b) pour toutes les entreprises quel que soit son effectif :

-à la suite à toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;

– lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque est portée à la connaissance de l’employeur.

  • Participants à l’élaboration du DUERP 

 –le CSE (ou sa CSSCT) :

Point d’attention : le texte ne précise pas si cette obligation concerne les entreprises de moins de 11 salariés et dans le doute, il est préférable de l’associer quel que soit l’effectif, comme l’avait prévu l’ANI du 9 décembre 2020 ;

-l’intervenant en prévention des risques s’il a été désigné ( L. 4644-1 I al 1 C. Trav.);

-le service de santé au travail (devenu service de prévention et de santé au travail)

-les services de prévention des caisses de sécurité sociale avec l’appui de l’Institut national de recherche et de sécurité dans le cadre des programmes de prévention mentionnés à l’article L. 422-5 du Code de la sécurité sociale.

  • Les résultats de cette évaluation des risques :

Aucun changement quant à l’obligation de définir des actions de prévention des risques dans les entreprises de moins de 50 salariés et d’élaborer d’un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail dans celles de plus de 50 salariés.

La nouveauté est que ce programme « identifie les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées » et fixe « un calendrier de mise en œuvre ».

Ainsi les programmes ou actions de prévention ne pourront rester lettre morte.

  • Consultation des IRP : le CSE est consulté sur son élaboration et ses mises à jour.

Point d’attention : se pose à nouveau la question pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Dans la mesure où le texte ne les exclut pas explicitement, il nous parait judicieux de soumettre au CSE petites attributions le DUERP.

  • Communication/transmission :

-l’employeur doit transmettre le DUERP au service de prévention de santé sécurité au travail (il ne s’agit plus d’une simple mise à disposition) ;

-l’employeur doit le mettre à disposition des salariés et anciens salariés dans sa version les concernant ; ces derniers peuvent demander les versions antérieures mais exclusivement sur les éléments qui concernent leur activité.

  • Conservation : le DUERP, dans ses versions antérieures et successives, doit être conservés par l’employeur pour une durée minimale de 40 ans.
  • Dépôt : à compter du 1er juillet 2023, le DUERP fera l’objet d’un dépôt (à chaque mise à jour) dématérialisé sur un portail numérique géré par les organisations professionnelles d’employeurs, et selon le calendrier suivant :

-le 01/07/2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés ;

-le 01/07/2024 pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à 150 salariés.

  1. Elargissement de la définition du harcèlement sexuel
  • La loi modifie la définition du harcèlement sexuel posée à l’article L.1153-1 du Code du travail de manière à prohiber également les propos ou comportements à connotation sexiste répétés qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Auparavant, seuls les propos ou comportements à connotation sexuelle étaient visés.

  • De plus, ce même article est modifié par la loi de façon à interdire le harcèlement sexuel dit “de meute”. C’est à dire soit lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ; soit lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

Les propos ou comportements harcelant n’ont plus à être « imposés » à la victime il suffit que                      celle-ci les ait « subis ».

  1. Service de prévention et de santé au travail
  • Le service de santé au travail est renommé le service de prévention et de santé au travail (SPST).
  • Les missions du SPST sont redéfinies et élargies, et notamment :

– il apporte une aide à l’entreprise, de manière « pluridisciplinaire », pour l’évaluation et la prévention des risques professionnels ;

il accompagne l’employeur, les travailleurs et leurs représentants dans l’analyse de « l’impact sur les conditions de santé et de sécurité » des travailleurs, de « changements organisationnels » importants dans l’entreprise ;

il participe à des actions de promotion de la santé dont des « campagnes de vaccination » et « de dépistage », des actions de sensibilisation aux bénéfices de la pratique sportive » et des actions d’information et de sensibilisation aux situations de « handicap au travail », dans le cadre de la stratégie nationale de santé prévue à l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique ;

il doit se doter d’une cellule pluridisciplinaire animée et coordonnée par un médecin du travail ou par un membre de l’équipe pluridisciplinaire désigné par lui, afin d’accompagner les salariés dont le maintien dans l’entreprise peut s’avérer difficile au vu de l’âge ou de l’état de santé physique et mental.

télémédecine : les consultations ou entretiens peuvent être réalisés à distance, sous réserve que le salarié donne son accord. Dans ce cas, le médecin ou son infirmier peut proposer au salarié que son médecin traitant ou un autre professionnel de santé choisi par lui participe à la consultation ou à l’entretien à distance.

  1. Les visites médicales
  • Création d’une visite de mi-carrière durant l’année du 45ème anniversaire du salarié.

Cette visite médicale a trois objectifs :

-établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié, en tenant compte des expositions aux facteurs de risques auxquels il a été soumis ;

-évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du salarié en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;

-sensibiliser le salarié aux enjeux du vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels.

  • L’organisation des visites de reprise est modifiée :

accident ou maladie non professionnelle : elle est organisée après un arrêt de 60 jours (sont concernés les arrêts maladie débutant à compter du 1er avril 2022),

– accident du travail: elle est organisée après 30 jours d’arrêt,

– les salariées revenant de congé maternité et victimes d’une maladie professionnelle: pas de condition de durée de l’arrêt. (Art. L.4624-2-3 et R. 4624-31 C. Trav.)

  • Visite de pré-reprise :

-le salarié peut en bénéficier en cas d’absence au travail justifiée par une incapacité résultant d’une maladie ou d’un accident d’une durée supérieure à 30 jours ;

– elle pourra être organisé dès lors que le retour du travailleur à son poste est anticipé à l’initiative du travailleur, de son médecin traitant, des services médicaux de la caisse d’assurance maladie ou du médecin du travail ;

-l’employeur informe le travailleur de la possibilité pour celui-ci de solliciter l’organisation de l’examen de pré-reprise.

  • Exposition à des risques particuliers : une attention particulière est portée aux salariés se trouvant dans une situation dite de « polyexposition ».

-Visite post exposition:  cette visite créée par les ordonnances Macron doit dorénavant intervenir au plus vite après la cessation de l’exposition ou, si celle-ci est continue, avant le départ en retraite.

-La surveillance post exposition: elle doit être mise en place par le médecin du travail en liaison avec le médecin traitant et le médecin conseil de la caisse si le salarié a été exposé à des risques présentant un danger pour sa santé.

  • Le rendez-vous de liaison : c’est le nouveau rendez-vous créé entre le salarié absent, l’employeur en y associant le SPST pour les arrêts de plus de 30 jours.  (art. L. 1226-3-1 C. Trav.)

Le SPST n’y est donc pas nécessairement présent.

Ce rendez-vous a pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, de l’examen de pré-reprise et de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation de son poste de travail.

  1. Informations transmises au CSE
  • La loi insère un paragraphe à l’article L.2312-5 du Code du travail, précisant que, dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 49 salariés, l’employeur présente à la délégation du personnel au CSE la liste des actions de prévention et de protection des salariés, consignée dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et ses mises à jour comme le prévoit le 2° du III de l’article L. 4121-3-1 du code du travail.
  • Dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, dans les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à 50 salariés, l’employeur présente également au CSE le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail mentionné au 1° du III de l’article précité.
  1. Formation des membres du CSE
  • Les membres du CSE disposent de 5 jours minimum dédiés à la formation santé, sécurité et conditions de travail.
  • En cas de renouvellement du mandat, la durée minimale de cette formation est de 3 jours pour chaque membre, quel que soit le nombre de salariés de l’entreprise et de 5 jours pour les membres de la CSSCT pour les entreprises d’au moins 300 salariés.
  • Les formations des élus dans les entreprises de moins de 50 salariés sont financées par les organismes paritaires (opérateurs de compétences OPCO).
  1. Négociation sur l’égalité professionnelle

La négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail visée à l’article L.2242-13 du Code du travail est élargie aux conditions de travail.

La loi prévoit que la qualité des conditions de travail (santé et la sécurité au travail, prévention des risques professionnels…) puisse être un des thèmes évoqués dans le cadre de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Pour négocier ces actions, le législateur invite les partenaires à s’appuyer sur les acteurs régionaux et locaux de la prévention des risques professionnels.

  1. La création d’un passeport prévention

La loi crée un « passeport de prévention » pour tous les travailleurs centralisant les certificats, diplômes et attestations obtenus par ces derniers dans le cadre des formations relatives à la santé et sécurité au travail.

Le passeport prévention peut être alimenté par :

  • l’employeur,
  • le salarié,
  • les organismes de formation,
  • les demandeurs d’emploi.

L’employeur peut consulter – dans le respect du RGPD – les éléments contenus dans ce passeport de prévention dans le cadre du suivi de ses obligations en matière de formation à la santé et sécurité.