News de jurisprudence juin 2022

– Licenciement économique, une lecture très littérale du texte :

L‘article 1233-3 du code du travail énonce que constitue un licenciement pour motif économique celui qui repose sur un plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou de la transformation d’emploi consécutive « notamment » à une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, appréciée via une échelle fonction de la taille de l’entreprise et de la durée de ces difficultés.

Pour les entreprises de 300 salariés ou plus, cette baisse doit s’apprécier sur 4 trimestres consécutifs et à la date du licenciement économique, par comparaison avec la période précédente.

Dans cette affaire, le salarié contestait son licenciement car la société avait réalisé au 1er semestre de l’année 2017 une infime hausse de chiffre d’affaires de 0,5 % et il reprochait aux juges du fond de ne pas en avoir tenu compte.

Le licenciement était intervenu le 2 juillet 2017 et dans la mesure où seul le premier trimestre de l’année 2017 était connu, ils s’étaient référés à l’exercice 2016 par comparaison avec celui de 2015 et avaient constaté un recul de 4 trimestres du chiffre d’affaires, à hauteur de 22 835 millions d’euros.

Ils ont dès lors considéré le licenciement comme fondé.

A tort selon la Cour de cassation :

«En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la durée de la baisse du chiffre d’affaires, en comparaison avec la même période de l’année précédente, n’égalait pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail pour cette entreprise de plus de trois cents salariés, la cour d’appel, qui ce faisant n’a pas caractérisé les difficultés économiques, a violé le texte susvisé. ».

Pour les hauts magistrats, cette seule amélioration de 0 5% suffisait à considérer que la base de chiffre d’affaires n’était pas « significative ».

Si elle est conforme à la lettre du texte – il prendre en compte la période allant du 1er janvier au 1er juillet 2017 – il n’en demeure pas moins qu’elle méconnaît totalement le fonctionnement des entreprises et l’impact d’une baisse du chiffre d’affaires de près de 15%.

Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-19.957

 

– Inaptitude et dispense de reclassement : pas de consultation du CSE :

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à reprendre son emploi, sauf contre ordre du médecin du travail, l’employeur doit chercher à le reclasser dans un poste similaire et dans le cadre de cette recherche ne peut lui présenter de propositions d’emplois qu’après les avoir soumises pour avis au CSE.

Lorsque l’avis d’inaptitude précise que tout maintien dans l’emploi serait « gravement préjudiciable à la santé du salarié », ou que son état de santé « fait obstacle à tout reclassement », l’employeur est dispensé de cette recherche.

Demeurait la question de savoir s’il fallait néanmoins consulter le CSE pour lui exposer qu’aucun reclassement n’était possible.

Les juridictions du fond avaient rendu des décisions contradictoires (CA Bourges 19 11 2021 n°21-00153 et CA Lyon, 5 11 2021 n°19-011393).

Dans cette affaire, les représentant du personnel n’avaient pas été consultés, en raison de l’impossibilité de reclassement constatée par le médecin du travail et la Cour d’appel avait fait droit à la demande du salarié qui contestait le licenciement sur ce fondement.

Sur pourvoi de l’employeur, les hauts magistrats ont sanctionné les juges du fond et jugé que lorsque le médecin du travail estime qu’aucun reclassement n’est possible, il n’est pas nécessaire de consulter les représentants du personnel.

Nous conseillons toutefois aux employeurs d’adresser aux salariés, avant l’envoi de la convocation à l’entretien préalable, une lettre l’informant qu’aucun reclassement n’est possible en raison de l’avis du médecin du travail et que les représentants du personnel ne seront pas consultés.

Cass. soc., 8 juin 2022, n°20-22.500

 

– Droit d’alerte économique  :

Confirmant une jurisprudence déjà établie pour le comité d’entreprise, la Cour de cassation a rappelé que les comités d’établissement peuvent élever de droit d’alerte celui-ci étant subordonné à l’existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation de l’entreprise dans son entier.

Dès lors, seul le CSE central dispose de la possibilité d’exercer un droit d’alerte.

Cass. soc., 15 juin 2022, n°21-13.312

 

– L’indemnité transactionnelle exonérée et défiscalisée : une nouvelle illustration

Un arrêt récent de la Cour de cassation statue sur la question du régime social et fiscal de l’indemnité transactionnelle perçue par le salarié.

Cette décision confirme que l’indemnité transactionnelle peut, dans certaines hypothèses, être exonérée de cotisations sociales et non assujettie à l’impôt sur le revenu.

 Dans cette affaire, deux salariés avaient signé, avec leur employeur, une transaction prévoyant le versement d’une indemnité en contrepartie de laquelle ils renonçaient :

« irrévocablement à la demande de résiliation judiciaire de leurs contrats de travail et à ses conséquences et à réclamer à leur employeur tous chefs de demande, avantages en nature ou en espèce de quelque sorte que ce soit et notamment des indemnités et paiements divers consécutifs à l’exécution ou à l’éventuelle rupture des relations de la société (rappels de salaire, avantages individuels, primes diverses, heures supplémentaires, jours RTT, indemnités de préavis et de licenciement, congés payés, avantage en nature, frais professionnels, droits au DIF, indemnités de toute nature, sans que cette liste soit exhaustive) ».

La transaction était donc intervenue en dehors de toute rupture du contrat de travail puisque les salariés demeuraient dans l’entreprise.

A la suite d’un contrôle, l’URSSAF a notifié à l’employeur un redressement résultant de la réintégration dans l’assiette des cotisations sociales des deux indemnités transactionnelles, estimant que le caractère exclusivement indemnitaire des montants transactionnels n’était pas établi.

La société a contesté ce redressement devant la Cour d’Appel de Caen qui l’a annulé en totalité.

Les juges du fond ont déduit des termes de la transaction que les indemnités étaient destinées à clore le contentieux judiciaire en résiliation des contrats de travail, qui portait sur l’imputabilité de la rupture du contrat de travail et l’indemnisation de préjudices résultant du non-respect des temps de repos du forfait-jours et des règles relatives aux congés payés, ce qui correspondait à l’indemnisation d’un préjudice résultant de la violation d’obligations impératives de l’employeur portant sur le droit à la santé et au repos.

Ces indemnités présentaient donc, pour les juges du fond, un caractère indemnitaire justifiant leur exonération de cotisations sociales.

L’URSSAF s’est pourvu en cassation mais la 2e chambre civile a rejeté son pourvoi.

Pour les hauts magistrats, la cour d’appel a souverainement décidé que l’employeur rapportait la preuve que les indemnités litigieuses ne constituaient pas un élément de rémunération mais compensaient un préjudice pour les salariés.

La haute Cour relève que les juges d’appel avaient bien fait ressortir « la commune intention des parties d’indemniser les salariés des conséquences du manquement de l’employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail ».

On ne saurait conseiller aux rédacteurs de protocoles transactionnels la plus grande vigilance quant à leur rédaction lorsqu’il s’agit de réparer un préjudice distinct de celui de la rupture.

Cass. Civ. 2ème, 17 février 2022, n°20-19.516