Astreintes : attention aux conditions d’exécution de la période d’astreinte

Aux termes du code du travail, en droit français il convient de distinguer « période d’astreinte » et « intervention en astreinte » (art L. 3121-9).

La période d’astreinte n’est pas considérée comme du temps de travail effectif et ne donne lieu qu’à indemnisation.  Seule l’intervention proprement dite est considérée comme telle et comptabilisée dans le décompte de la durée du travail.

Cette règle était appliquée avec constance par les juridictions du fond, parfois en s’appuyant sur les stipulations des accords collectifs applicables.

Or, une telle distinction n’est pas conforme à la Directive 2003/88. En effet, la CJUE a exposé aux termes d’un arrêt du 9 mars 2021 (Aff C-344/19)  sur question préjudicielle que « Les différentes prescriptions qu’énonce la directive 2003/88 en matière de durée maximale de travail et de temps minimal de repos constituent des règles du droit social de l’Union revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur ».

Elles « ne sauraient faire l’objet d’une interprétation restrictive au détriment des droits que le travailleur tire de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, CCOO, C‑55/18, EU:C:2019:402, points 30 à 32 et jurisprudence citée).

Et elles « constituent des notions de droit de l’Union qu’il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de la directive 2003/88. En effet, seule une telle interprétation autonome est de nature à assurer à cette directive sa pleine efficacité ».

Selon la CJUE « une période de garde sous régime d’astreinte, bien qu’elle n’impose pas au travailleur de demeurer sur son lieu de travail, doit également être qualifiée, dans son intégralité, de « temps de travail », au sens de la directive 2003/88, lorsque, en considération de l’impact objectif et très significatif des contraintes imposées au travailleur sur les possibilités, pour ce dernier, de se consacrer à ses intérêts personnels et sociaux, elle se distingue d’une période au cours de laquelle le travailleur doit uniquement être à la disposition de son employeur afin que ce dernier puisse le joindre ».

En synthèse :

      • si le salarié peut planifier ses occupations personnelles et sociales, car il dispose d’un certain délai pour intervenir, alors la période d’astreinte n’est pas « temps de travail » au sens de la directive précitée ;
      • si le délai imposé au salarié pour se remettre au travail est court et qu’en outre, il est amené à effectuer plusieurs interventions successives, alors cette période est du « temps de travail ».

Tirant les conséquences de cette décision, la Cour de cassation a rendu un arrêt le 26 octobre 2022 dans lequel  elle s’y réfère expressément pour casser l’arrêt d’appel ayant débouté un salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des périodes d’astreintes, en se référant notamment à la convention collective des dépanneurs.

Elle a reproché aux premiers juges de n’avoir pas vérifié « si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d’astreinte, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles ».

Si la réponse à cette question est positive, la période d’astreinte hors intervention devra impérativement être décomptée comme temps de travail et rémunérée comme telle.

Tout dépendra des circonstances de fait et du degré de sujétion imposé aux salariés : l’éloignement du domicile, la possibilité d’organiser des activités de loisir, le délai pour intervenir et le nombre, ainsi que la fréquence des interventions.